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DE P.-H.-E. DE SEYTRES


pénétrait le principe, il trouvait dans ses réflexions des ' vues pour les justilier, marque d’un génie élevé que son propre caractère ne domine pas; et il était, en effet, d’un jugement si ferme et si hardi, que les préjugés, méme les plus favorables a ses sages inclinations, ne pouvaient pas l’entrainer, quoiqu’il soit si naturel aux hommes sages de se laisser maitriser par leur sagesse; si modeste d'ailleurs, et si exempt d'amour-propre, qu'il ne pouvait souffrir les plus justes louanges, ni méme qu’on parlat de lui; et si haut dans un autre sens, que les avantages les plus respec- tés ne pouvaient pas l'éblouir. Ni l’àge, ni les dignités, ni \ la réputation, ni les richesses, ne lui imposaient: ces cho- ses, qui font une impression si vive sur l’esprit des jeunes gens, nassujettissaient pas le sien; il était naturellement et sans elïort au niveau d'elles '. ' Qui pourrait expliquer le caractère de son ambition, qui était tout à la. fois si modeste et si fière? Qui pourrait défi- nir son amour pour le bien du monde? Qui aurait l’art de le peindre au milieu des plaisirs? ll était né ardent; son imagination le portait toujours au-dela des amusements de son age, et n’était jamais satisfaite: tantôt on remarquait · sn lui quelque chose de dégagé et comme au-dessus du plaisir, dans les chaines du plaisir meme; tantôt il semblait ` qu’épuisé, desséché par son propre feu, son âme abattue languissait de cette langueur passionnée qui consume un esprit trop vif; et ceux qui confondent les traits et la res- semblance des choses, le trouvaient alors indolent. Mais, au lieu que les autres hommes paraissent au-dessous des cho- ses qu'ils négligent, lui paraissait au·dessus; il méprisait les affaires que l'on appréhende. Sa paresse n’avait rien de faible ni de lent; ou y aurait remarqué plutot quelque I Ici, Vauvenargues relève dans son jeune ami des qualitaa qu'il partageait avec lui, qu'il lui avait données peut~ètre; ou plutôt, disons-le, ce n'cat plus la le jenme de Seytrea, c’est plus que lui, dent Vauvenargues lui-méme; c‘eat Vauvenargues qui, par une aorte de douloureux presssntiment, a'élève de ses proprœ mains se monument fuméraire. Voila pourquoi, sans doute, il aimait tout ces quelques pages. (Voir notre Eloge de Vauvenargues). — G.