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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/235

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SUR L'INÉGALITÉ DES RICHESSES.


Dieu clément, Dieu vengeur des faibles, je ne suis ni ce pauvre délaissé qui languit sans secours humain, ni ce ·îche que la possession meme des richesses trouble et em- aarrasse; né dans la médiocrité, dont les voies ne sont pas )eut—etre moins rudes, accable d'afllictîons dans la force de non age, 0 mon Dieu! si vous n’étiez pas, ou si vous n'étiez nas pour moi; seule et délaissée dans ses maux, où mon tme espérerait-elle? Serait-ce à la vie, qui m’échappe et me nène vers le tombeau'pa.r les détresses? Serait-ce à. la nort., qui auéantirait, avec ma vie, tout mon ètre? Ni la rie ni la mort, également à craindre, ne pourraient adoucir na peine; le désespoir sans bornes serait mon partage,. . Je 11'égare, et mon faible esprit sort des bornes qu’il s'est arescrites. Vous qui dispensez l'éloquence comme tous les autres talents; vous qui envoyez ces pensées et ces expres- . sions qui persuadent, vous savez que votre sagesse et votre nfinie providence sont l’objet de tout ce discours : c'est le aoble sujet qui nous est proposé par les maîtres de la pa- role; et quel autre serait plus propre a nous inspirer digne- ment? Toutefois, qui peut le traiter avec l'étendue qu’il mérite? Je n’ose me livrer à tous les sentiments qu’il excite nu fond de mon cœur. Qui parle long-temps, parle trop sans · doute, dit un homme illustre. Je ne connais point, con- Linue-t-il, de discours oratoire où il n’y ait des longueurs. Tout art a son endroit faible. Quelle tragédie est sans rem- nlissage, quelle ode sans strophesjnutiles ' ? Si cela est ainsi, Messieurs , comme l'expérience le prouve, quelle retenue ne dois-je pas avoir en m’exprimant, pour la première fois, dans l'assemblée la plus polie et la plus éclairée de l’uni- vers ! Ce discours si faible aura pour juge une compagnie qui l’est, par son institution, de tous les genres de littéra- ture; une compagnie toujours enviée et toujours respectée des sa naissance, où les places, recherchées avec ardeur, • Cette citation est extraite d'uno lettre que Voltaire écrivait ft Vauvenar- gues lui-méme, et que celui-ci avait du recevoir asso: récemment; car elle porte la date de17û5, et I’on sait que ce Discours fut écrit pour le concours d'É- loqucnce de cette même année. — G.