Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/254

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— sno TRAITE — Sur cela, l'on oppose encore l'exemple des malheureux qui se perdent dans le crime, contre toutes leurs lumières: la vérité luit sur eux, le vrai bien est devant leurs yeux; cependant, ils s’en écartent, ils se creusent un abîme, ils s’y ` plongent sans frayeur; ils préfèrent une joie courte a des peines infinies; donc, ce n’est ni leur connaissance, ni le goût naturel de la félicité qui déterminent leur cœur; donc c'est leur volonté seule qui les pousse à ces excès. Mais ce rai- sonnement est faible; les contradictions apparentes qui lui servent comme d'appui sont faciles à lever: un libertin qui connait le vrai bien, qui le veut et qui s’en écarte, n'y re- nonce nullementril se fonde sur sa jeunesse, sur la bonté divine ou sur la pénitence; il perd de vue son objet naturel; l'idée en est dans sa mémoire, mais il ne la rappelle pas; elle ne parait qu'à demi; elle est éclipsée dans la foule; des sentiments plus vifs l’écartent, la dérobent, fexténuent; ces sentiments impérieux remplissent la capacité de son esprit corrompu. Prenez cependant le meme homme au mi- lieu de ses plaisirs; présentez-lui la mort prete lt le saisir; qu’il n‘ait plus qu'un seul jour à vivre; que le feu vengeur des crimes s'allume a ses yeux impurs et brûle tout autour . de lui : s'il lui reste un rayon de foi, s'il espère encore en Dieu, si la peur n'a pas troublé son âme lâche et coupable, croyez-vous qu'il hésite alors à fléchir son juge irrité, et a se couvrir de poussière devant la majesté de Dieu, qui va le juger'? Tout ce qu’on peut dire ii cela, c'est que le bien le plus grand ne nous remue pas toujours, mais celui qui se fait sentir avec [Ile] plus de vivacité. L' illusion est de confondre tous deux, au meme titre qu'il renferme l'autre fl Vauvenargues lui-meme l'adit plus haut: «Que ce soit notre raison ou nos passions qui nous meurent, ¤’eat ~ MII qui nous déterminona; il y aurait de la folie L distinguer ses pensés ~ ou ses sentiments de wi; ~ plus loin, il répétera: « Nos sentiments, nos ~ idées ne diffèrent par denon:-mêmes; • ce seul aveu, arraché par |'évi- dence, répond A tout son Traité, et en détruit toute l'argumentation.— G.

  • Mais ce remords ou cet elrol, dont le coupable est agite , et dont vous

faites une si vive peinture, qu'eat-ce donc, sl ce n'est une des plus solides preuves de cette liberte que vouslul contester? Expliquez-moi comment il se juge responsable, si ce n'est pas parce qu'll se sent libre'! — G. '