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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/265

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SUR LE LIBRE ARBITRE.


à. cette même idée que Dieu punisse le péché d'Adamjusque dans sa postérité, et qu'il impute aux peuples idolàtres l’in- fraction de lois qu'ils ignorent? Que répondez-vous cepen- dant, lorsqu’on vous oppose cela? Vous dites que la·justice de Dieu n’est point semblable à la notre; qu’elle n’est point dépendante de nos faibles préjugés; qu’elle est au-dessus de notre raison et de notre esprit. Eh ! qui m’empeche de répondre la méme chose 7 ll n’y a pas de suite dans votre créance, ou du moins dans vos discours; car, lorsqu'on vous presse un peu sur le péché originel et sur le reste, vous dites qu‘on n’a pas d’idée de la justice de Dieu; et lorsque vous me combattez, vous voulez qu‘on y en attache une qui wndamne mes sentiments, et alors vous nlhésitez point a rendre la justice divine semblable à la justice humaine; ainsi, . vous changez les définitions des choses selon vos besoins. Je suis de meilleure foi, je dis librement ma pensée : je crois que Dieu peut à son gré disposer de ses créatures, ou pour un supplice éternel, ou pour un bonheur inlini, parce qu'il est le maitre, et qu'il ne nous doit rien; je n'ai sur cela qu’un langage, vous ne m’en verrez pas changer. Je ne pense donc pas que la justice humaine soit essentielle au Créateur: elle nous est indispensable, parce qu’elle est des lois de Dieu la plus vive et la plus. expresse; mais l'auteur de 'cette loi ne dépend que de lui seul, n’a que sa volonté pour règle, son bonheur pour unique lin. Il est vrai qu'il n'y a rien au monde de meilleur que la justice, que l'équité, que la vertu; mais ce qu'il y a de plus grand dans les hommes est tellement imparfait, qu'il ne saurait convenir à celui qui est parfait; c‘est méme une superstitionquede donner nos vertus à Dieu. Cependant, il est juste en un sens, il l'a dit, nous devons le croire; or, voici quelle est sa jus- tice :·il donne une règle aux hommes, qui doit juger leurs . actions, et il les juge exactement par cette regle; il n'y dé- roge jamais. Par cette égalité constante il justifie bien sa parole, puisque la justice n’est autre chose que l'amour de l`égn.lité; mais cette égalité qu'il met entre les hommes