Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
219
SUR LE LIBRE ARBITRE.


licence de son ordre, — Faibles philosophes! entendez-vous bien ce que vous dites? Savez-vous que vous n'admirez que les choses qui passent vos forces ou vos connaissances? Savez-vous que si vous compreniez bien l'univers, et qu’il ne s’y rencontrat rien qui psssât les limites de votre pou- voir, vous cesseriez aussitot de l'admirer7 Cest donc votre très-grande petitesse qui fait un colosse de l'univers; c'est votre faiblesse infinie qui vous le représente dans votre poussiere, animé d’un esprit si vaste, si puissant et si pro- digieux. Cependant tout petits, tout bomés que vous étes, vous ne laissez pas d'apercevoir de grands défauts dans cet inlini, et il vous est impossible de justifier tous les maux moraux et physiques que vous y éprouvez. Vous dites que c'est la faiblesse de votre esprit qui vous empèche de voir l'utilité et la bienséance de ces désordres apparents; mais pourquoi ne croyez-vous pas tout aussi bien que c'est cette méme faiblesse de vos lumières qui vous empeche de saisir le vice des beautés apparentes que vous admirez'? Vous répondez que I'univer·s a la meilleure forme possible, puis- que Dieu l'a faittel qu'il est. Cette solution est d’un théolo- gien, non d’un philosophe; or, c'est par cet endroit qu’elle me touche, et je m’y soumets sans réserve; mais je suis I bien aise de faire connaitre que c'est parla théologie, et non parla vanité de la philosophie, qu’on peut prouver les dogmes de la religion. • Cette Idée parait absolument fausse; car la beauté de l'ordre qui régit l‘univers est dans l'univer·s meme. Ce que nous sdmirons, c'est que l'unlvers subsiste; car nous ne pouvons douter qu'il subsiste. Qu’lI puisse subsister autrement, mieux, si I'on veut, il la bonne heure; il n'en est pas moins vnl qu’ll subsiste. Je puis voir plus loin, mais il n'en estpas moins admirable que je voie. Je puls avoir un sans de plus, mes sens n'en sont pas moins une machine admirable. Ces résultats que je ne puis nier, sont ce que fsppelle les beautés de I’ordre de I'univers. Cu beautés ne peuvent donc etre simple- ment apparentes, puisque nous n'en jugeons que par les résultats de cet. ordre. Cet ordre ne peut avoir de vices cachés, puisque ces vlces le contra- rier-sient et empécbersient les résultats que nous sdmirons. Au lieu que ce que nous prenons pour des défauts peut conduire L des résultats que nous ne connaissons pas; car on peut croire À ce qu’on ignore, et non pas nier ce que I'on connait. — S. ·-1¢O>—·~