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SUR QUELQUES POÈTES.


5, 6. - CORNEILLE et RACINE '.

Je dois à la lecture des ouvrages de M. de Voltaire le peu de connaissance que je puis avoir de la poésie. Je lui

• de me communiquer. ~ Malgré ces corrections, on volt assos qu'il ne revint guète plus sur le compte de Moliere que sur celui de Corneille. Sa prévention contre notre grand comique allait si loin, que, dans une première version du Caractère intitule Egée, laquelle version se retrouve encore dans les manuscrits du Louvre, Vauvenargues cite, entre autres preuves du bon esprit de son personnage, cette inconcevable appréciation de Molière : «Son Ame, obsédee des images du sublime et de la·vertu, ne peut faire cas des arts qui peignent de petits objets : le pinceau de Molière le surprend sans le passionner, parce que cet auteur comique n’a saisi que les petits traits, les grossièretes de la nature, et n'a peint que du personnages ridicules, qui seraient fort ennuyeux en original. Egée met une grande différence entre les peintures sublimes, qui ne peuvent etre inspirees que par les sentiments qu‘elles expriment, et celles qui n'exigent ni élévation, ni grandeur d'esprit dans le peintre, quoiqu'elles puissent demander autant de talent et de travail. Il laisse adorer, dit-il, aux artisans l’artisan plus habile qu’eux; mais, comme il n'estime les ouvrages de l'art que par la noblesse de leur objet, il n‘estime aussi  ». talents que par le caractere qu’ils annoncent, et il préfère l'homme a l'ouvrier. - Le cas est d'autant plus grave que, dans ce Caractère d'Egée, comme dans beaucoup d'autres, Vauvenargues, on n’en peut douter, s'est peint lui-mème. Ce n'est que plus tard, et sans doute sur la reclamation de Voltaire, que Vauvenargues a remplace le nom de Molière par celui de Dancourt. — G.

1 On sait que ce parallèle est l‘objet de la première lettre de Vauvenargues à Voltaire. Dans la 1" edition de son livre, Vauvenargues se contente d`0ter A, ce morceau sa forme épistolaire, d’en dâvelqrper quelques pointe, et d'en adoucir quelques traits, mais, dans la lI• edition, faisant droit I de nouvelles et plus rives observations de Voltaire, que nous avons recueillies avec ‘soln sur- l'exemplair·e d'Aix, et que l'on trouvera parmi les notœ, Vauvenargues revient plus à fond sur ce sujet, et en donne une troisième version, qui devait etre respectée comme l‘expression définitive de sa pensée. Cependant, les divers éditeurs ont cru pouvoir reprendre dans la 1" édition des passages que Vauvenargues avait retranché:. Outre qu'il n'est pas permis, à notre sens, de contrevenir ainsi a l’intention d'un écrivain, il résulte de ce mélange une confusion facheuse sur un point littéraire qui a bien son intéret ; le lecteur ne voit plus ce que Vauvenargues a relonu de son opinion première, et ce qu'il en a cède A l’apl¤ion de Voltaire. Pour tout concilier, nous moyens devoir rétablir le vrai texte de Vauvenargues, celui de la 2* édition , et rejeter en notes, comme renseignements ou eornmemoycns de comparaison,les passages indumurt conservés. On verra que Vauvenargues, malgre Voltaire, n‘est guère revenu de sa prévention contre Corneille. « Il paralt moins occupé, dit Suard, a caractériser ~ Corneille et Racine, qu’ajustifier son extrème prédilection pour ce dernier- ;. .. • c'est qu'a aa préférence pour Racine se jolgnait encore le sentiment de l'injustice qu’on faisait à ce grand poete, que généralement on plaçait encore au-dessous de Corneille;... ce qui fait qu'il a dû nécessairement relever davantage les beautés alors moins seaties de l'un, et les défauts moins avoués de l’autre. s En effet, ce parallèle n'est, au fond, qu'un plaidoyer; ajonwns