après de si grands hommes, il fallait avoir leur génie, ou `
marcher dans une autre voie. lsocrate , né sans passions,
privé de sentiment pour la simplicité et l'éloquence, s'at-
tacha bien plus a détruire qu’à rien établir. Ennemi des
anciens systèmes, et savant à saisir le faible des choses hu-
maines, il voulut paraitre à son siècle comme un philosophe
impartial, qui n‘obéissait qu'aux lumières de la plus exacte
raison, sans chaleur et sans préjugés. Les hommes sont faits
de manière que si on leur parle avec autorité, leux·s passions
et leur pente a croire les persuadent facilement; mais si, au
contraire, on badine,et si on leur propose des doutes, ils écou-
tent également, ne se défiant pas qu’un homme qui raisonne
de sang·froid puisse se tromper, car peu savent que le rai- '
· sonnement n’est pas moins trompeur que le sentiment, et
d’ailleurs l’intéret des faibles, qui composent le plus grand
nombre, est que tout soit cru équivoque. Isocrate n'a donc eu
qu'à lever l' étendard de la révolte contre l'autorité et les dog-
matiques, pour faire aussitôtbeaucoup de prosélytes. lla com-
paré le génie et l'esprit ambitieux des héros de la Grèce à
l'esprit de ses courtisanes; il a méprisé les beaux-arts. L'élo—
qucncc, a-t-ildit, et la poésiesont peu de chose; et ces paradoxes
brillants, ila su les insinuer avec beaucoup d' art, en sejouant,
et sans paraitre s'y intéresser. Qui n'eût cru qu’un pareil
système n’eût fait un progrès pemicieux, dans un siécle si
amoureux du raisonnement et du vice? Cependant la mode
a son cours, et l’err·eur périt avec elle : on a bientot senti
le faible d’un auteur qui, paraissantmépriser les plus grandes
choses, ne méprisait pas de dire des pointes, et n'avait point `
de répugnance a se contredire, pour ne pas perdre un trait
d’esprit '. ll a plu par la nouveauté et par la petite har-
- Var. : • Peut-on estimer un auteur qui, alectant de mépriser les gran-
« des choses, ne dédalgns pas de dire des pointes; qui, pour conserver un « trait d’esprit, abandonne une vérité, et n'a aucune honte de se contredire; . « qui ne connait que la faiblesse de l’espr·ithumaln, et n'cn peut comprendre la e force z qui combat r·idiculementl'éloquence par l'é|égance, le genie par·|‘art, « et la sagesse par la rallleriei Parce qu'll publie qu'il n’estlme aucune des , • choses du monde, pense-t-il que nous lui devions plus de respect? •