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RÉFLEXIONS

193. Si l’ordre domine dans le genre humain, c’est une preuve que la raison et la vertu y sont les plus fortes[1].

194. La loi des esprits n’est pas différente de celles des corps, qui ne peuvent se maintenir que par une continuelle nourriture.

195. Lorsque les plaisirs nous ont épuisés, nous croyons avoir épuisé les plaisirs ; et nous disons que rien ne peut remplir le cœur de l’homme.

196. Nous méprisons beaucoup de choses pour ne pas nous mépriser nous-mêmes[2].

197. Notre dégoût n’est point un défaut et une insuffisance des objets extérieurs, comme nous aimons à le croire, mais un épuisement de nos propres organes, et un témoignage de notre faiblesse[3].

198. Le feu, l’air, l’esprit, la lumière, tout vit par l’action ; de là la communication et l’alliance de tous les êtres ; de là l’unité et l’harmonie dans l’univers. Cependant cette loi de la nature, si féconde, nous trouvons que c’est un vice dans l’homme ; et, parce qu’il est obligé d’y obéir, ne pouvant subsister dans le repos, nous concluons qu’il est hors de sa place[4].

199. L’homme ne se propose le repos que pour s’affranchir de la sujétion et du travail ; mais il ne peut jouir que par l’action, et n’aime qu’elle.

200. La fruit du travail est le plus doux des plaisirs.

201. Où tout est dépendant, il y a un maître : l’air ap-

  1. [Bien — V.]
  2. [Obscur. — V.] — La pensée est, je crois : Pour ne pas nous mépriser nous-mêmes de n’avoir pas le courage d’y aspirer ; la gloire, par exemple. — G.
  3. Var. : « Le dégoût est un témoignage d’indigestion et de faiblesse. »
  4. [Très-beau. — V.] — C’est à Pascal que Vauvenargues répond. - G.