Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/516

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


638. [J’approuverais fort la science universelle, si les hommes en etaient capables ; mais j’estime plus un menuisier, qui sait son métier, qu’un bavard, qui pense tout savoir, et qui ne possède rien.]

639. [On n’a jamais chargé l’esprit des hommes d’autant de connaissances inutiles et superficielles qu’on le fait aujourd’hui ; on a mis à la place de l’ancienne érudition une science d’ostentation et de paroles. Qu’avons-nous gagné à cela ? Ne vaudrait-il pas mieux être encore pédant comme Huet, et comme Ménage ?]

640. [Les gens du monde ont une espèce d’érudition : c’est-à-dire qu’ils savent assez de toutes choses pour en parler de travers. Quelle manie de sortir des bornes de notre esprit et de nos besoins, pour charger notre mémoire de tant de choses inutiles ! Et par quelle fatalité faut-il, qu’après avoir guéri d’un respect exagéré pour la vraie érudition, nous soyons épris de la fausse ?]

641. [Le duel avait un bon côté, qui était de mettre un frein à l’insolence des grands[1] ; aussi, je m’étonne qu’ils n’aient pas encore trouvé le moyen de l’abolir entièrement.]

642. [Le peuple en vient aux mains pour peu de chose ; mais les magistrats et les prêtres ne poussent jamais leurs querelles jusqu’à cette indécence. La noblesse ne pourrait-elle en venir à ce point de politesse ? Pourquoi non, puisque déjà deux corps aussi considérables y sont parvenus ?]

643. [Si quelqu’un trouve que je me contredis, je reponds : Parce que je me suis trompé une fois, ou plusieurs fois, je ne prétends point me tromper toujours.]

644. [Quand je vois un homme engoué de la raison, je parie aussitôt qu’il n’est pas raisonnable.]

  1. Voir la note de la page 160. — G.