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INTRODUCTION À LA CONNOISSANCE

prit, trop faible ou trop prompt, ne peut suivre la liaison des choses, et laisse échapper leurs rapports. Ceux-ci ne peuvent assembler beaucoup de vues, et attribuent quelquefois a tout un objet ce qui convient au peu qu’ils en connaissent. La netteté de leurs idées empêche qu’ils ne s’en défient ; eux-mêmes se laissent éblouir par l’éclat des images qui les préoccupent ; et la lumière de leurs expressions les attache à l’erreur de leurs pensées[1].

La justesse vient d’un sentiment du vrai formé dans l’âme, accompagné du don de rapprocher les conséquences des principes, et de combiner leurs rapports. Un homme médiocre peut avoir de la justesse à son degré, un petit ouvrage de même. C’est sans doute un grand avantage, de quelque sens qu’on le considère : toutes choses en divers genres ne tendent à la perfection qu’autant qu’elles ont de justesse.

Ceux qui veulent tout définir ne confondent pas le jugement et l’esprit juste ; ils rapportent à ce dernier l’exactitude dans le raisonnement, dans la composition, dans toutes les choses de pure spéculation ; la justesse dans la conduite de la vie, ils l’attachent au jugement[2].

Je dois ajouter qu’il y a une justesse et une netteté d’imagination[3] ; une justesse et une netteté de réflexion, de mémoire, de sentiment, de raisonnement, d’éloquence, etc. Le tempérament et la coutume mettent des différences infinies entre les hommes, et resserrent ordinairement beaucoup leurs qualités. Il faut appliquer ce principe à chaque partie de l’esprit ; il est très-facile à comprendre.

Je dirai encore une chose que peu de personnes ignorent : on trouve quelquefois, dans l’esprit des hommes les plus sages, des idées par leur nature inalliables, que l’éducation, la coutume, ou quelque impression violente, ont

  1. Bien écrit. — V. — [Il semble que cette dernière phrase ait été écrite pour Malebranche ; elle lui est, du moins, parfaitement applicable. Avec des aperçus faux, il a toujours les exposés les plus lumineux. — La H.]
  2. Justesse est ici sagesse. — V.
  3. Un peu confus. — V.