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DE L’ESPRIT HUMAIN.


que les passions qui viennent de l’amour de nous-mêmes nous donnent aux choses, l’amour-propre veut que les choses se donnent à nous, et se fait le centre de tout.

Rien ne caractérise donc l’amour-propre comme la complaisance qu’on a dans soi-même et les choses qu’on s’approprie.

L’orgueil est un effet de cette complaisance. Comme on n’estime généralement les choses qu’autant qu’elles plaisent, et que nous nous plaisons si souvent à nous-mêmes devant[1] toutes choses, de là ces comparaisons toujours injustes qu’on fait de soi-même a autrui et qui fondent tout notre orgueil.

Mais les prétendus avantages pour lesquels nous nous estimons étant grandement variés, nous les désignons par les noms que nous leur avons rendus propres. L’orgueil qui vient d’une confiance aveugle dans nos forces, nous l’avons nommé présomption ; celui qui s’attache à de petites choses, vanité celui qui est courageux, fierté.

Tout ce qu’on ressent de plaisir en s’appropriant quelque chose, richesse, agrément, héritage, etc., et ce qu’on éprouve de peine par la perte des mêmes biens, ou la crainte de quelque mal, la peur, le dépit, la colère, tout cela vient de l’amour-propre.

L’amour-propre se mêle à presque tous nos sentiments, ou du moins l’amour de nous-mêmes ; mais pour prévenir l’embarras que feraient naître les disputes qu’on a sur ces termes, j’use d’expressions synonymes, qui me semblent moins équivoques. Ainsi, je rapporte tous nos sentiments à celui de nos perfections et de notre imperfection ces deux grands principes nous portent de concert à aimer, estimer, conserver, agrandir et défendre du mal notre frêle existence. C’est la source de tous nos plaisirs et déplaisirs, et la cause féconde des passions qui viennent par l’organe de la réflexion.

Tachons d’approfondir les principales ; nous suivrons

  1. Devant, pour avant. — G.