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INTRODUCTION À LA CONNAISSANCE

28. — De l’amour des sciences et des lettres.

La passion de la gloire et la passion des sciences se ressemblent dans leur principe ; car elles viennent l’une et l’autre du sentiment de notre vide et de notre imperfection Mais l’une voudrait se former comme un nouvel être hors de nous, et l’autre s’attache à étendre et à cultiver notre fonds. Ainsi la passion de la gloire veut nous agrandir au dehors, et celle des sciences au dedans.

On ne peut avoir l’âme grande, ou l’esprit un peu pénétrant, sans quelque passion pour les lettres. Les arts sont consacrés à peindre les traits de la belle nature ; les sciences, à la vérité. Les arts et les sciences embrassent tout ce qu’il y a dans la pensée de noble et d’utile ; de sorte qu’il ne reste à ceux qui les rejettent que ce qui est indigne d’être peint ou enseigné, etc.[1].

La plupart des hommes honorent les lettres comme la religion et la vertu ; c’est-à-dire comme une chose qu’ils ne peuvent ni connaître, ni pratiquer, ni aimer[2]. Personne néanmoins n’ignore que les bons livres sont l’essence des meilleurs esprits, le précis de leurs connaissances et le fruit de leurs longues veilles. L’étude d’une vie entière s’y peut recueillir dans quelques heures c’est un grand secours.

Deux inconvénients sont à craindre dans cette passion : le mauvais choix et l’excès. Quant au mauvais choix, il est probable que ceux qui s’attachent à des connaissances peu utiles ne seraient pas propres aux autres ; mais l’excès se peut corriger.

  1. [Beau. — V.]
  2. [Très-bien. — V.] — On avait copié cette pensée dans l’Encyclopédie, sans en citer l’auteur. Les journalistes de Trévoux, qui avait fort loué l’ouvrage de Vauvenargues lorsqu’il parut, firent un crime de cette maxime aux encyclopédistes. — M. [On peut juger par ce seul passage, si c’est un contempteur de la religion qui en parlerait comme il parle de la vertu et des lettres, c’est-à-dire des choses dont il paraît, dans tout son livre, faire le plus de cas. — La H.]