Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/20

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être montré au doigt et à ce qu’on dit : C’est lui ! Il aimait à faire à loisir de belles choses qui rempliraient l’univers et qui rassembleraient dans une même admiration tout un peuple de nobles esprits ; mais ses délices, à lui, étaient de les faire en silence et dans l’ombre, et sans cesser de vivre avec les Nymphes des bois et des fontaines, avec les dieux cachés.

Et, dans tout ceci, je n’imagine rien ; je ne fais qu’user et profiter de traits qui nous ont été transmis, mais en les interprétant comme je crois qu’il convient le mieux. Avec Virgile, on court peu de risque de se tromper, en inclinant le plus possible du côté de ses qualités intérieures.

À ce que je viens de dire que Virgile était décoré de pudeur, il ne serait pas juste d’opposer comme une contradiction ce qu’on raconte d’ailleurs de certaines de ses fragilités : « Il fut recommandable dans tout l’ensemble de sa vie, a dit Servius ; il n’avait qu’un mal secret et une faiblesse, il ne savait pas résister aux tendres désirs. » On pourrait le conclure de ses seuls vers. Mais, dans son estimable Vie d’Horace, M. Walckenaer me semble avoir touché avec trop peu de ménagement cette partie de la vie et des mœurs de Virgile. Combattant sans beaucoup de difficulté l’opinion exagérée qu’on pourrait se faire de la chasteté de Virgile, il ajoute : « Plus délicat de tempérament qu’Horace, Virgile s’abandonna avec moins d’emportement que son ami, mais avec aussi peu de scrupule, aux plaisirs de Vénus. Il fut plus sobre et plus retenu sur les jouissances de la table et dans les libations faites à Bacchus. Chez les modernes, il eût passé pour un homme bon, sensible, mais voluptueux et adonné à des goûts dépravés : à la Cour d’Auguste, c’était un sage assez réglé dans sa conduite, car il n’était ni prodigue ni dissipateur, et il ne cherchait à séduire ni les vierges libres ni les femmes mariées. » Tout ce croquis est bien heurté, bien brusque, et manque de nuances, et, par conséquent, de ressemblance et de vérité. Je ne suis pas embarrassé pour Virgile