Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/221

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de Rhesus, le pays des Gètes, les bords de l’Èbre, et ceux où fut transportée la belle Orithyie, pleurèrent Eurydice. Pour lui, il cherchait dans les sons de sa lyre un adoucissement à son amour si cruellement déçu ; et seul sur le rivage, c’est toi, chère épouse, qu’il chantait au lever du jour, toi qu’il chantait au retour de la nuit. Il pénétra même jusqu’aux gorges du Ténare, cette entrée profonde des enfers, et dans ces bois ténébreux remplis d’une sombre horreur ; il aborda les mânes et leur roi redoutable, et ces divinités dont le cœur ne sait point s’attendrir aux prières des mortels. Émues à ses chants, du fond de l’Érèbe les ombres légères et les fantômes des morts accouraient, aussi nombreux que ces oiseaux qui se réfugient dans les forêts aux approches de la nuit ou d’une pluie d’orage : mères, époux, héros noblement tombés dans les combats ; enfants, jeunes vierges, fils chéris placés sur le bûcher aux yeux de leurs parents ! tristes victimes qu’entourent un noir limon et les hideux roseaux du Cocyte, et qu’enferme neuf fois de ses replis le Styx à l’eau croupissante.

« L’enfer même, et le Tartare, ce profond séjour de la mort, s’étonnèrent et s’émurent ; les Euménides cessèrent d’irriter les serpents qui ceignent leur tête ; et, dans ses gueules béantes, Cerbère retint sa triple voix, et le vent laissa reposer la roue d’Ixion.