Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/308

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mortels, exécrable soif de l’or ! Remis de ma terreur, je fais part de ce prodige aux principaux chefs du peuple, et d’abord à mon père, et leur demande conseil : tous pensent qu’il faut fuir une terre sacrilège où fut souillée l’hospitalité, et livrer nos voiles aux vents.

Alors nous célébrons pieusement les funérailles de Polydore. Nous élevons un grand amas de terre pour lui faire un tombeau. Nous dressons aux dieux mânes des autels, tristement ornés de festons funèbres et de noirs cyprès. À l’entour, se rangent les femmes troyennes, les cheveux épars selon le rite accoutumé. Nous répandons des coupes écumantes d’un lait encore tiède, et des patères pleines du sang des victimes. Nous renfermons l’âme de Polydore dans sa tombe, et nous lui disons à haute voix l’adieu suprême.

Dès que l’on peut se confier aux ondes, que les vents nous livrent une mer calme, et que, par un léger frémissement, l’Auster invite le nautonier, mes compagnons mettent à flot les navires, et couvrent le rivage. Nous quittons le port, et les terres et les villes s’éloignent.

Au milieu des mers est une île sacrée, chère à la mère des Néréides et à Neptune Égéen. Jadis elle flottait errante le long des côtes et des rivages, quand le dieu qui tient l’arc terrible la fixa, par reconnaissance, entre les rochers de Gyare et la haute