Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/320

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tion, elle demeure stupéfaite, et le frisson glace tous ses membres : elle tombe ; et à peine, après un long silence, peut-elle prononcer ces mots : « Est-ce vous-même que je vois, fils d’une déesse ? est-ce vous qui êtes envoyé vers moi ? êtes-vous encore vivant ? ou si la douce lumière vous a été ravie, où est mon Hector ? » À ces mots les pleurs inondent son visage, et le bois sacré retentit de ses gémissements. Troublé par son désespoir, je réponds avec peine, d’une voix entrecoupée : « Oui, je vis, et je traîne au milieu des revers une existence malheureuse. N’en doutez pas, ce que vous voyez est réel. Mais vous, hélas ! tombée d’un si haut hyménée, quel malheur le destin vous a-t-il réservé ? ou quel sort digne de vous est devenu votre partage ? Êtes-vous l’Andromaque d’Hector ou l’épouse de Pyrrhus ? »

Elle baisse les yeux, et d’une voix faible : « Ô seule heureuse, dit-elle, entre les filles de Priam, Polyxène, qui, condamnée à mourir sur le tombeau d’un ennemi, au pied des hauts remparts de Troie, n’a pas subi l’injurieux arrêt du sort, et, captive, n’a point touché le lit d’un vainqueur et d’un maître ! Mais nous, après l’incendie de Troie, traînées sur des rives lointaines, et devenues mères dans l’esclavage, nous avons essuyé les superbes dédains du fils d’Achille. Bientôt il suivit Hermione, chercha dans Sparte un nouvel hymen, et me transmit esclave à son esclave