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Livre quatrième




Cependant la reine, déjà en proie aux tourments d’une passion violente, nourrit en secret la blessure de son cœur et brûle d’un feu caché qui la dévore. La valeur du héros, la splendeur de sa race reviennent sans cesse à sa pensée : les traits d’Énée, ainsi que ses paroles, demeurent profondément gravés dans son âme, et le trouble qui l’agite refuse à ses yeux les douceurs du sommeil.

Déjà l’Aurore, chassant les ombres humides de la nuit, éclairait la terre du flambeau de Phébus, lorsque Didon, égarée par l’amour, s’adresse en ces termes à sa sœur, confidente de ses pensées : « Anna, ma sœur, quelles images troublent mon repos, jettent dans mon âme incertaine une terreur inconnue ? Quel est ce nouvel hôte reçu dans nos demeures ? Quelle noblesse dans ses traits ! qu’il est grand par le cœur et par les armes ! Oui, je le crois, et ce n’est point une illusion, il est du sang des dieux : toujours la crainte décèle une âme dégénérée. Hélas ! par quels destins il fut traversé ! Dans les guerres qu’il racontait, quels