Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/38

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désormais classiques et immortels à leur tour. La littérature romaine enfin a ses écoles et ses maîtres à elle, dont l’un des derniers a attaché si honorablement son nom à l’œuvre de Virgile, et nous est encore si utile pour le bien comprendre, le recommandable Servius.

On a discuté une question qui a ici tout son à-propos. Dans ces derniers temps encore, un auteur anglais, fils d’un père respecté et célèbre, et fort distingué lui-même, M. Matthew Arnold, en tête d’un recueil de Poésies (1853), s’est demandé, au point de vue de l’art et de la beauté classique, s’il n’était pas mieux pour le poëte qui aspire à la haute et sévère poésie de prendre ses sujets dans le passé, et même dans un passé lointain et refroidi, à la seule condition que ces sujets présentent au talent qui les veut traiter les principaux éléments et les passions éternelles de la nature humaine. M. Arnold a très-bien montré le grand et inépuisable intérêt qui s’attache encore, qui s’attachera éternellement à l’Iliade, à l’Électre de Sophocle, à cette trilogie d’Eschyle qu’on appelle l’Orestie, à l’épisode de Didon, et il l’a opposé à cet autre intérêt si vif, mais si passager et si vite fané, qui décore les poëmes modernes plus ou moins voisins du roman, Hermann et Dorothée, par exemple, ou Childe-Harold, ou l’Excursion de Wordsworth, ou même l’aimable Jocelyn. Il s’est demandé de plus si les grands sujets publics modernes étaient aussi propices à la poésie que les anciens ; s’il n’y avait pas aujourd’hui surtout des époques trop claires, où les événements présents deviennent pour le poëte presque impossibles à traiter, et n’appartiennent de droit qu’à l’historien. Il a remarqué que les Perses d’Eschyle n’avaient jamais été réputés supérieurs par l’intérêt à ses autres tragédies. Tout cela est vrai, et, en discutant ainsi, l’ingénieux auteur anglais s’est montré un vrai critique classique de l’école de Lessing. Pourtant, dans ces questions que la critique agite en vain, et que le talent peut seul décider et trancher, il est un point que je n’abandonnerai jamais, à savoir : l’im-