Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/461

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bien avant dans la nuit et s’indignent contre leurs chaînes ; on entend des sangliers au poil hérissé, des ours effrayants gronder dans leur prison, et des loups énormes poussant d’affreux hurlements. Hommes autrefois, la cruelle déesse, par le charme puissant de ses breuvages, les dépouilla de leur figure, et les transforma en hôtes féroces des bois et des déserts. Mais Neptune, craignant que, sur ces funestes rives, les Troyens, entraînés dans le port de Circé, ne soient aussi victimes de tels enchantements, enfle leurs voiles d’un vent favorable, seconde leur fuite, et les emporte au delà de ces flots bouillonnants.

Déjà la mer était rougie par les premiers rayons du jour, et, dans les hautes plaines de l’éther, l’Aurore vermeille brillait sur son char de rose : tout à coup les vents, se taisant, retiennent leur haleine, et la rame lutte en vain contre l’onde immobile. Alors, du milieu des flots, Énée découvre une vaste forêt, que le Tibre traverse dans son heureux cours, avant de précipiter dans la mer ses ondes tumultueuses, jaunies par le sable qu’elles entraînent. Mille oiseaux divers, accoutumés aux rives et au lit du fleuve, voltigeaient sous le feuillage et charmaient les airs par leurs chants mélodieux. Le héros ordonne à ses compagnons de changer de route, de tourner leurs proues vers la terre, et, joyeux, il entre dans le lit ombragé du Tibre.