Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/479

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plissent les airs de tremblants hurlements, et, couvertes de peaux sauvages, brandissent des lances où le pampre s’enlace. Au milieu d’elles, dans son délire, la reine agite un pin embrasé, et chante l’hymen de sa fille et de Turnus. Elle roule des yeux sanglants, et tout à coup crie d’une voix farouche : « Ô vous toutes, mères du Latium, écoutez-moi ! S’il reste encore dans vos cœurs sensibles quelque pitié pour les malheurs d’Amate, et si les droits des mères vous sont chers, dénouez les bandelettes qui retiennent vos cheveux, et, avec moi, célébrez les orgies ! »

C’est ainsi qu’au milieu des forêts, dans les antres déserts des bêtes sauvages, Alecton presse la reine des aiguillons de Bacchus. Dès qu’elle croit avoir assez excité ses premiers transports, avoir troublé les projets et toute la maison de Latinus, la sinistre déesse ouvre ses ailes ténébreuses, et vole vers les murs de l’audacieux Rutule, cette ville que Danaé, fille d’Acrise, conduisant une colonie d’Argiens, fonda, dit-on, quand le rapide Notus la jeta sur ces bords. Ses premiers habitants l’appelèrent Ardée : ce nom célèbre, elle l’a conservé ; mais sa fortune n’est plus. C’est là qu’au fond de son palais, Turnus, vers le milieu de la nuit, se livrait aux douceurs du repos. Alecton quitte son affreux visage et ses membres de Furie : elle prend les traits d’une vieille