Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/666

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magnanime Jupiter, et que je t’ai avec plaisir donné une place dans le ciel. Apprends, Juturne, ton malheur, et ne m’en accuse pas. Tant que la Fortune a paru le souffrir, tant que les Parques ont permis que le succès favorisât le Latium, j’ai protégé Turnus et tes remparts. Mais aujourd’hui je vois ce jeune guerrier affronter les chances d’une lutte inégale. L’heure des Parques approche, et une force ennemie va s’appesantir sur lui. Je ne veux être témoin ni de ce combat ni de ce traité funeste. Toi, si tu peux faire quelque chose de plus pour ton frère, il faut te hâter : peut-être reste-t-il une chance meilleure à l’infortune que nous redoutons. » À peine a-t-elle parlé, que Juturne, en pleurant, frappe trois fois et quatre fois de ses mains sa belle poitrine : « Ce n’est pas l’instant des pleurs, lui dit la fille de Saturne. Vole, et, si c’est possible, arrache ton frère à la mort, ou bien rallume la guerre, et romps le traité conclu. C’est moi qui t’autorise à tout oser. » Ces conseils laissent Juturne incertaine et en proie aux plus vives inquiétudes.

Cependant les rois s’avancent : Latinus se montre, dans un pompeux appareil, sur un char attelé de quatre chevaux : son front est ceint de douze rayons d’or resplendissants, symbole du Soleil, son aïeul : Turnus vient ensuite sur un char traîné par deux blancs coursiers, et brandit dans sa main deux javelines