Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/75

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eût mieux valu préférer Ménalque, malgré son teint basané, malgré la blancheur du tien ! Ô bel enfant ! ne te fie pas trop à ces fraîches couleurs : le blanc troëne, on le laisse tomber, et on recueille le noir vaciet.

Tu me méprises, Alexis, et tu ne demandes même pas qui je suis ; si j’ai de nombreux troupeaux ; si, dans mon bercail, coule en abondance un lait blanc comme la neige. J’ai mille brebis qui errent sur les montagnes de Sicile ; en été, comme en hiver, le lait nouveau ne me manque jamais. Je chante les airs que chantait Amphyon sur l’Aracynthe, au bord de la fontaine de Dircé, quand il rappelait ses troupeaux. Et je ne suis pas si difforme : l’autre jour, près du rivage, je me suis vu, pendant que les vents étaient calmes et la mer immobile ; et si l’image est fidèle, je ne craindrais pas Daphnis, en te prenant pour juge.

Oh ! viens seulement habiter avec moi ces campagnes que tu dédaignes, et vivre sous nos humbles cabanes ! viens forcer le cerf dans les bois, et, la verte houlette à la main, guider mon troupeau de chèvres ! Émules de Pan, nous ferons retentir les forêts de nos chants. C’est Pan qui le premier apprit à unir avec la cire plusieurs chalumeaux ; Pan protège les brebis et les maîtres des brebis. Ne crains point de froisser tes lèvres avec nos pipeaux rustiques ; pour en savoir autant, que ne faisait point Amyntas ?