Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la jeune demoiselle près d’une fontaine voisine, et il retourna à la chaumière d’Alix, pour tâcher de se procurer du monde et du secours.

L’étranger dont l’intervention était venue si à propos et leur avait été si utile, ne parut pas disposé à laisser sa bonne œuvre imparfaite. Il releva Lucy, la prit dans ses bras, et la portant à travers les clairières de la forêt, par des sentiers qui paraissaient lui être parfaitement connus, ne s’arrêta que quand il l’eut déposée en sûreté auprès d’une fontaine abondante et limpide, qui autrefois avait été couverte, abritée et décorée d’ornements d’architecture dans le genre gothique. Depuis, la voûte s’était fendue et même écroulée, le frontispice gothique était démoli et n’offrait plus que des ruines ; la source, sortant des entrailles de la terre, se faisait jour à travers les débris des fragments de sculpture et de pierres couvertes de mousse confusément épars autour de la fontaine.

La tradition, qui ne manque jamais, du moins en Écosse, d’embellir d’une légende un lieu déjà intéressant par lui-même, avait assigné une cause particulière à la vénération que l’on avait pour cette fontaine. Une jeune demoiselle charmante rencontra un des lords de Ravenswood qui chassait près de cette source : comme une autre Égérie, elle avait captivé le cœur du Numa féodal. Ils eurent ensuite de fréquents rendez-vous, et toujours au coucher du soleil ; les agréments de l’esprit de la nymphe achevèrent une conquête que sa beauté avait commencée, et le mystère de l’intrigue y ajouta de nouveaux charmes. Elle paraissait et disparaissait toujours près de la fontaine, ce qui fit penser à son amant qu’elle avait avec ses eaux quelque relation inexplicable. Elle mit certaines restrictions à leurs entrevues, ce qui avait également un air de mystère. Ils ne se voyaient qu’une fois par semaine : le vendredi était le jour convenu, et elle avertit le lord Ravenswood qu’il était nécessaire qu’ils se séparassent dès que la cloche de la chapelle appartenant à un ermitage situé dans le bois voisin, et maintenant en ruine, sonnerait l’heure de l’office du soir. Dans le cours de sa confession, le baron de Ravenswood fit confidence à l’ermite du secret de cette singulière intrigue, et le P. Zacharie en tira la conséquence nécessaire et évidente que son patron était enveloppé dans les filets de Satan, et en danger de perdre son corps et son âme. Il représenta ces périls au baron avec toute la force de la rhétorique monacale, et lui peignit sous les couleurs les plus effrayantes le caractère et la personne de la