Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 1, 1838.djvu/12

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furent vains. La duchesse, compatissant à sa peine, loua la beauté des sons de l’instrument, l’encouragea et lui donna le temps de se remettre jusqu’à ce que les tons brillants de toutes les cordes se mariassent dans des accords harmonieux. Alors il dit qu’il voudrait bien pouvoir se rappeler un vieux lai qu’il croyait ne plus devoir chanter jamais. Il n’avait point été composé pour les oreilles grossières des villageois, mais pour de nobles dames et de puissants barons ; il l’avait chanté devant le roi Charles-le-Bon, lorsqu’il tenait sa cour à Holy-Rood ; il eût beaucoup désiré, mais il craignait d’essayer ce chant oublié depuis long-temps. Ses doigts erraient sur les cordes, en tiraient des accords confus et incertains, et il secouait à plusieurs reprises sa tête blanchie. Mais lorsqu’il eut saisi la mesure entraînante, le vieillard releva son front où brillait un sourire de contentement, et ses yeux éteints s’animèrent de tout l’enthousiasme du poète. Sa main vola sur les cordes en variant la mélodie des sons dans des accords alternativement doux ou énergiques : le présent, l’avenir, ses peines, ses besoins, tout fut oublié ; et la timidité qui paralyse le talent et les glaces de l’âge, rien ne résista à l’action entraînante de l’harmonie ; chaque lacune que présentait une mémoire infidèle était remplie par la verve échauffée du poète ; et tandis que sa harpe résonnait en l’accompagnant sous ses doigts, ainsi chantait le dernier des ménestrels.