Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/142

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faveur… mon oncle vous en aura une obligation éternelle. — Vous exagérez trop mon influence, miss Bellenden, dit lord Evandale ; j’ai souvent échoué dans de pareilles demandes, quand je les faisais pour l’amour de l’humanité. — Mais essayez encore une fois pour l’amour de mon oncle. — Et pourquoi pas pour l’amour de vous ? dit lord Evandale ; ne voulez-vous pas me permettre de croire que je vous obligerai personnellement ?… vous défiez-vous assez d’un ancien ami pour ne pas même lui accorder le plaisir de croire qu’il satisfait à vos désirs ? — Assurément… assurément, répondit Édith, vous m’obligerez d’une façon toute particulière… Je m’intéresse à ce jeune gentilhomme par rapport à mon oncle… ne perdez pas de temps, pour l’amour de Dieu ! »

Elle devenait plus hardie et plus pressante dans ses prières, car elle entendait les pas des soldats qui entraient avec leur prisonnier.

« J’en jure par le ciel ! dit Evandale, il ne mourra pas, quand je devrais mourir à sa place !… Mais ne voudrez-vous pas, » dit-il en reprenant la main que dans son trouble elle n’eut pas le courage de retirer, « ne voudrez-vous pas m’accorder une grâce en retour de mon zèle à vous servir ? — Tout ce que l’amitié fraternelle peut accorder, milord. — Et est-ce là tout, continua-t-il, tout ce que vous pouvez accorder à mon affection pendant ma vie, ou à ma mémoire après ma mort ? — Ne parlez pas ainsi, milord, dit Édith ; vous m’affligez, et vous vous faites injure. Il n’est pas d’ami que j’estime davantage, ou à qui je sois plus disposée à accorder des marques d’amitié… pourvu… mais… »

Un soupir qu’elle entendit lui fit détourner subitement la tête avant d’avoir achevé sa phrase ; et, tandis que dans son trouble elle cherchait la manière convenable d’expliquer sa réticence, elle s’aperçut qu’elle avait été entendue de Morton qui, enchaîné et gardé par des soldats, passait alors derrière elle pour être présenté à Claverhouse. Leurs yeux se rencontrèrent : l’expression de tristesse qui se peignait sur la figure de son amant semblait lui reprocher la conversation qu’il avait entendue en partie, et dont il avait mal compris le sens. Cet incident acheva de compléter la douleur et la confusion d’Édith. Son sang, qui s’était porté à son visage, se précipita vers son cœur par une espèce de révolution subite, et elle devint pâle comme la mort. Ce changement n’échappa pas à l’attention d’Evandale, dont le coup d’œil prompt découvrit facilement qu’il y avait entre le prisonnier et