Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/174

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officiers ; et que s’il prétend faire autrement, il forfait à son sauf-conduit. » Tout en disant ces mots, Burley décrocha sa carabine et l’arma. — « Je ne me laisserai pas intimider dans mon devoir par les menaces d’un assassin, dit le cornette Graham. Écoutez-moi, bonnes gens, je proclame, au nom du roi et de mon officier commandant, un plein et libre pardon pour tous, excepté… — Je t’ai averti en homme loyal, » dit Burley en l’ajustant — « Un libre pardon à tous ! » continua le jeune officier, toujours en s’adressant au corps des insurgés. « À tous, hormis… Alors, que le Seigneur ait pitié de ton âme… Amen ! » dit Burley.

En disant ces mots, il fit feu, et Richard Graham tomba de son cheval[1]. Le coup était mortel. L’infortuné jeune homme n’eut que la force de se retourner sur la terre, et murmura : « Ma pauvre mère ! » et il expira. Son cheval, épouvanté, s’enfuit au galop vers le régiment, ainsi que le trompette, non moins effrayé, qui l’avait suivi. — « Qu’avez-vous fait ? » dit à Balfour un de ses frères d’armes. — « Mon devoir ! » dit Balfour avec fermeté. « N’est-il pas écrit : Tu porteras le zèle jusqu’à tuer ? Que ceux qui l’oseront viennent maintenant parler de trêve ou de pardon ! »

Claverhouse vit tomber son neveu. Il tourna les yeux vers Evandale, et une émotion indéfinissable vint obscurcir pour un moment la sérénité de ses traits ; puis il dit brièvement : « Vous voyez le résultat. — Je veux le venger ou mourir ! » s’écria Evan-

  1. Il y eut effectivement un jeune capitaine des gardes-du-corps, nommé Graham, et probablement parent de Claverhouse, qui fut tué dans l’escarmouche de Drumclog. Dans la vieille ballade sur la bataille du pont de Bothwell, on dit que Claverhouse continua le carnage des fugitifs pour venger la mort de ce gentilhomme.
    « Retenez vos mains, disait Montmouth ; faites quartier à ces hommes pour l’amour de moi. Mais le sanguinaire Claverhouse fit serment qu’il vengerait la mort de son parent. »
    On trouva le corps de ce jeune homme horriblement défiguré, après la bataille ; ses yeux étaient arrachés, et ses traits tellement décomposés, qu’il était impossible de le reconnaître. Les écrivains royalistes prétendent que ce fut l’œuvre des républicains, parce que, trouvant le nom de Graham sur la cravate de ce jeune gentilhomme, ils le prirent pour le corps de Claverhouse lui-même. Les autorités républicaines expliquent autrement le traitement fait au corps du capitaine Graham. « Il avait, disaient-elles, refusé à manger à son propre chien le matin de la bataille, faisant serment qu’il ne déjeunerait que de la chair des républicains. L’animal féroce, dit-on, vola sur son maître dès qu’il le vit tomber, et lui déchira la figure et la gorge. »
    Que le lecteur choisisse, et juge s’il est plus probable qu’un parti d’insurgés fanatiques et persécutés ait déchiré un corps supposé celui de leur principal ennemi, ainsi que plusieurs personnes présentes à Drumclog avaient peu de temps auparavant déchiré celui de l’archevêque Sharpe ; ou qu’un chien domestique ait pu, faute d’un seul déjeuner, devenir assez féroce pour se nourrir de la chair de son propre maître, choisissant son corps parmi des vingtaines d’autres qui l’entouraient et qui pouvaient également le rassasier.