Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/19

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Ce lieu présente vraiment toute la solennité qui convient au séjour de la mort, sans cependant faire naître des sentiments trop pénibles. Il est abandonné depuis quelques années : les tertres qui s’élèvent en petit nombre au-dessus du sol sont recouverts d’un tapis de gazon. On y remarque sept ou huit monuments, à demi enfoncés dans la terre, et couverts de mousse. Aucune tombe nouvellement élevée n’y vient troubler la douce mélancolie de nos réflexions en nous rappelant de récentes calamités ; on n’y remarque point ces herbes épaisses et touffues, qui causent dans l’âme un si pénible sentiment, puisqu’elles nous forcent à penser qu’elles ne doivent leur triste fécondité qu’à la corruption et à la pourriture des cadavres humains qui fermentent sous la tombe. La marguerite qui brille sur le gazon, la campanule qui le tapisse, reçoivent de la rosée du ciel la substance qui les vivifie, et leur vue n’excite point en nous des souvenirs fâcheux et repoussants. Sans doute la mort a passé par ces lieux, elle y a laissé des traces, mais ces traces se sont adoucies, par l’éloignement qui nous sépare du temps où elles furent imprimées. Si le souvenir de ceux qui dorment dans cet asile vient s’offrir à nous, c’est pour penser qu’ils furent naguère ce que nous sommes aujourd’hui, et que si leurs restes mortels sont en ce moment réunis à la terre, notre mère commune, les nôtres subiront un jour la même métamorphose.

Cependant, quoique depuis quatre générations la mousse recouvre les plus modernes de ces humbles tombeaux, la mémoire de quelques-uns de ceux dont ils renferment les dépouilles a toujours été et est encore vénérée. Sur le plus vaste de ces tombeaux et, pour un antiquaire, le plus intéressant du groupe, on remarque un vaillant chevalier revêtu de sa cotte de mailles, le boucher sur la poitrine ; les armoiries sont effacées par le temps, et quelques lettres déchiffrées à grand’peine signifient, selon le bon plaisir de messieurs les antiquaires, Dn. Johan… de Hamel… ou Johan… de Lamel… Quant à l’autre tombe, richement sculptée et ornée d’une croix, d’une mitre et d’un bâton pastoral, la tradition peut assurer seulement qu’elle renferme les dépouilles d’un évêque sans nom. Mais sur les deux pierres placées non loin de là, on peut lire encore, en prose grossière et en vers plus grossiers encore, l’histoire de