Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/23

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piété sincère, quoique bizarre, portaient ce Vieillard à consacrer ainsi tant d’années de son existence à ce tribut qu’il payait à la mémoire des guerriers morts pour la défense de l’Église. Il croyait remplir un devoir sacré en faisant revivre aux yeux de la postérité les emblèmes déchus du zèle et des souffrances de ses ancêtres, et en conservant, pour ainsi dire, cette lumière, ce feu sacré qui, plus tard, devait servir comme de signal à d’autres générations pour défendre leur religion au prix même de leur sang.

On savait que dans tous ses voyages, le vieux pèlerin ne demandait ni n’acceptait jamais de secours d’argent. Il est vrai que ses besoins étaient bornés ; car, de quelque côté qu’il dirigeât ses pas, il était accueilli dans la maison de quelque caméronien de sa secte, ou dans celle de toute autre personne pieuse. Il reconnaissait toujours l’honorable hospitalité qui lui était accordée, en réparant les tombeaux qui pouvaient appartenir à la famille ou aux ancêtres de son hôte. Comme il remplissait ordinairement cette tâche pieuse dans l’enceinte de quelque cimetière de campagne, ou sur la tombe solitaire cachée au milieu des bruyères, troublant du bruit de son marteau le merle et le pluvier, son vieux coursier paissant à ses côtés, l’habitude qu’il avait de vivre ainsi au milieu des morts l’avait fait désigner sous le nom populaire de Vieillard des Tombeaux.

Le caractère d’un tel homme devait être inaccessible à une gaieté même innocente : cependant, au milieu des personnes de sa secte, il était, dit-on, d’une humeur enjouée. Il traitait ordinairement de race de vipères les descendants des persécuteurs, ou ceux qu’il supposait coupables de partager les mêmes dogmes, ainsi que les personnes irréligieuses aux railleries desquelles il était quelquefois exposé. Il était grave et sentencieux dans ses entretiens, et même quelquefois sévère ; il ne s’abandonna jamais, dit-on, à de violents accès de colère, si ce n’est dans une seule occasion où un enfant espiègle abattit, d’un coup de pierre, le nez d’un chérubin que le Vieillard était occupé à retoucher. « Je ne fais que rarement usage de la verge, malgré la maxime du roi Salomon, dont les écoliers n’ont pas sujet de bénir la mémoire ; mais, en cette occasion, je jugeai à propos de prouver que je ne haïssais pas l’enfant, et je le corrigeai. » Mais je reviens aux circonstances qui accompagnèrent ma première entrevue avec cet intéressant enthousiaste.

En abordant le Vieillard je ne manquai pas de rendre hommage