Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/278

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les joues amaigries attestaient la réalité de ses souffrances, bien qu’il fût animé en cet instant par la chaleur avec laquelle elle parlait. Le cavalier porta soudainement la main à son front, comme un homme frappé d’une douleur subite ; il la passa rapidement sur son visage, et enfonça davantage sur ses yeux le chapeau qui ombrageait sa figure. Ce mouvement et les sentiments qui l’avaient causé n’échappèrent point à Édith, et elle ne les remarqua pas sans émotion.

« Et pourtant, dit-elle, si celui dont je parle paraissait trop affligé de l’opinion peut-être sévère de… d’une ancienne amie, dites-lui qu’un repentir sincère peut tenir lieu de l’innocence ; que, bien qu’il soit tombé d’une hauteur à laquelle il ne lui sera pas facile de remonter, qu’il ait causé de grands maux par l’autorité de son exemple, il pourra toujours, jusqu’à un certain point, réparer le mal dont il est l’auteur. — Et de quelle manière ? » demanda le cavalier, toujours d’une voix basse et étouffée. — « En employant tous ses efforts pour rendre les bienfaits de la paix à ses infortunés compatriotes, et engager les rebelles abusés à déposer les armes : en épargnant le sang, il pourra expier celui qui a déjà été répandu. Celui qui travaillera avec le plus de zèle à accomplir ce grand dessein méritera le mieux la reconnaissance de ce siècle, et un nom glorieux dans les siècles à venir. — Dans une telle paix, « dit son compagnon d’une voix ferme, « miss Bellenden ne voudrait pas, je pense, que les intérêts du peuple fussent sacrifiés sans réserve à ceux de la couronne ? — Je ne suis qu’une jeune fille, répliqua la jeune lady, il me conviendrait mal de traiter un tel sujet ; mais puisque je suis allée si loin, j’ajouterai, sans hésiter, que je voudrais une paix qui assurât le repos à tous les partis, qui mît les sujets à l’abri du brigandage militaire, que je déteste autant que les moyens maintenant employés pour y résister. — Miss Bellenden, » répondit Henri Morton en levant la tête et reprenant son ton de voix naturel, « celui qui a perdu la place qu’il occupait dans votre estime a cependant trop de fierté pour plaider sa cause comme un criminel, et, persuadé qu’il ne peut plus espérer de vous l’intérêt qu’on accorde à un ami, il garderait le silence sur vos sévères reproches, s’il ne pouvait en appeler à l’honorable témoignage de lord Evandale. Lord Evandale vous dira que ses plus ardents désirs, que tous ses efforts tendent, en ce moment même, à obtenir une paix telle que le plus loyal sujet du roi pourrait la souhaiter. »