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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/390

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la vie ? — À lui-même, répondit-elle ; et il en a été reconnaissant : il m’a donné une vache et un veau, de la drèche, de la farine et de l’argent ; tant qu’il a eu de l’autorité, personne n’a osé m’insulter. Mais nous demeurons sur les domaines de Tillietudlem : lady Marguerite Bellenden et le laird actuel, Basile Olifant, ont long-temps plaidé pour le château ; et lord Evandale soutenait la vieille lady par amour pour la jeune miss Édith, une des meilleures et des plus jolies filles d’Écosse, à ce qu’on dit dans le pays. Mais ils furent obligés de partir, et Basile eut le château et les terres ; puis vint la révolution. Alors le laird changea encore d’opinion : car, disait-il, il avait été jadis whig au fond du cœur, et ne s’était fait papiste que pour être à la mode. Il fut donc en faveur, et lord Evandale perdit toute influence, car il était trop fier et trop courageux pour tourner à tous les vents, quoique beaucoup de nos gens sachent aussi bien que moi que, quels que fussent ses principes, il était encore assez bon pour nous protéger, et valait bien mieux que ce Basile Olifant. Mais lord Evandale était en défaveur et presque sans crédit auprès du gouvernement. Alors Basile, qui est un homme vindicatif, s’est mis à le tourmenter de toutes les manières, et surtout en opprimant et en dépouillant la pauvre vieille femme aveugle, Bessie Maclure, parce qu’elle avait sauvé la vie à lord Evandale, et que ce lord lui voulait du bien. Mais il s’est trompé, si c’était son but, car il se passera du temps avant que lord Evandale entende dire que j’ai vendu ma vache pour payer ma redevance ou d’autres dettes, que j’ai eu des dragons à loger quand le pays est tranquille, ou toute autre chose qui pourrait lui faire de la peine. Je saurai me résigner à mon sort, et la perte de mes biens est le moindre de mes chagrins. »

Touché d’une patience si courageuse, qu’inspirait à cette femme un sentiment si noble de reconnaissance, Morton ne put s’empêcher de maudire l’infâme qui avait exercé une si lâche vengeance.

« Ne le maudissez pas, monsieur ! lui dit-elle. J’ai entendu dire par un honnête prédicateur qu’une malédiction était comme une pierre qu’on jette vers le ciel et qui peut retomber sur la tête de celui qui l’a lancée. Mais si vous connaissez lord Evandale, dites-lui de se tenir sur ses gardes, car j’entends les soldats qui logent ici parler d’étranges choses, et on prononce souvent son nom. Leur chef s’est rendu deux fois à Tillietudlem ; il est comme le favori du laird, bien qu’il ait été autrefois un des plus cruels