Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/400

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asile ? Vois-tu ce pont jeté là par la nature elle-même ? » ajouta-t-il en montrant le chêne : « d’un léger coup de pied, je puis le renverser dans l’abîme, et braver ensuite mes ennemis restés sur l’autre bord, tandis que ceux qui seraient venus jusqu’ici resteraient à la merci d’un homme qui n’a pas encore trouvé son égal en combat singulier. — J’aurais cru que maintenant vous n’aviez guère besoin de tels moyens de défense. — Tu le crois ? et cependant les démons incarnés sont ligués contre moi sur la terre ; Satan lui-même… Mais laissons cela ; c’est assez que j’aime ma retraite, ma caverne d’Adullam : je ne changerais pas ses grossières murailles de roc pour les beaux appartements du château des comtes de Torwood avec leurs vastes domaines et leur baronnie. Tu dois penser différemment, à moins que ta folle passion ne soit éteinte. — C’est de ces mêmes domaines que je viens vous parler, et je ne doute pas de trouver en monsieur Balfour autant de raison et de réflexion que je lui en ai vu quelquefois lorsque la même cause nous réunissait sous les mêmes drapeaux. — Oui ! En vérité, c’est là ton espérance ? Voudrais-tu t’expliquer plus clairement ? — J’y consens. Vous avez exercé, par des moyens que je devine, une secrète mais funeste influence sur la fortune de lady Marguerite Bellenden et de sa petite-fille, en faveur de ce vil et tyrannique apostat Basile Olifant, que la justice, trompée par vos manœuvres, a mis en possession de leurs propriétés légitimes. — Tu crois cela ? — J’en suis sûr ; et vous ne renierez point ce que vous avez écrit vous-même. — Et en supposant que je ne le nie pas, en supposant même que ton éloquence puisse me persuader de défaire ce que j’ai fait après de mûres réflexions, quelle sera ta récompense ? Espères-tu posséder la jeune fille à la belle chevelure, avec son vaste et riche héritage ? — Je n’ai pas cette espérance. — Et pourquoi, alors, as-tu entrepris d’enlever sa proie au fort, d’arracher sa nourriture de la gueule du lion, d’émouvoir les entrailles de celui que la haine dévore ? Crois-moi, tu as entrepris d’accomplir une tâche plus périlleuse que celle de Samson. Qui en recueillera le fruit ? — Lord Evandale et son épouse. Ayez meilleure opinion de l’humanité, monsieur Balfour, et croyez qu’il est des hommes capables de sacrifier leur bonheur à celui d’autrui. — Alors, sur mon ame, de tous les êtres qui portent de la barbe, qui montent à cheval et manient l’épée, tu es le plus doux et le plus capable de supporter une injure sans se venger. Quoi ! tu veux mettre ce maudit Evandale dans les bras de la femme que tu aimes ? tu vou-