Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/46

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dant il ne serait pas mal alors de leur servir de la petite bière, cette boisson les échauffera beaucoup moins, sans qu’ils s’aperçoivent jamais du changement. — Mais, mon père, s’ils venaient à se battre, ainsi que cela arriva il y a peu de jours, vous appellerai-je ? — Non, non, Jenny ; gardez-vous de le faire ; sachez que le plus mauvais coup est toujours pour celui qui veut mettre le holà. Si les soldats tiraient leurs sabres, appelez le caporal et la garde ; si les villageois prenaient la pelle et le fourgon, appelez le bailli et les officiers de ville. Mais dans aucun cas ne me dérangez, car je suis fatigué d’avoir joué tout le jour, et je désire manger en paix mon dîner dans la chambre voisine. — À propos, le laird de Lickitup, c’est-à-dire celui qui l’était autrefois, demande un hareng saur avec un pot de bière. — Eh bien, tire-le par la manche, et dis-lui bas à l’oreille que je serais charmé qu’il lui plût de dîner avec moi. C’était une bonne pratique autrefois que ce laird de Lickitup avant qu’il fût ruiné ; il ne consomme plus aujourd’hui, cependant il est toujours brave homme en vérité, et comme autrefois il aime beaucoup à boire. Et si vous apercevez quelques pauvres diables de notre connaissance, sans argent et loin de leur maison, ne craignez pas de leur donner un pot de bière et un bannock[1] : c’est peu de chose pour nous, et cela donne à une auberge telle que la nôtre une certaine considération. Allons, ma chère petite, va-t’en, sers ton monde ; mais auparavant apporte-moi mon dîner avec deux pots de bière et une pinte d’eau-de-vie. »

Ayant ainsi donné ses ordres à Jenny, son premier ministre, Niel Blane et le ci-devant laird, autrefois son patron, mais trop heureux maintenant d’être son convive, se rendirent dans une pièce voisine, éloignée du bruit, afin de se réconforter et de passer ensemble le reste de la soirée.

Cependant tout le département de Jenny était dans une pleine et entière activité. Les chevaliers du Perroquet, traités par leur capitaine, répondaient à ses civilités aimables ; celui-ci, tout en ménageant son verre, faisait en sorte que ceux des assistants se remplissent avec célérité ; autrement ces messieurs auraient pu se plaindre d’avoir été fêtés d’une manière peu convenable. Leur nombre s’affaiblissait par degrés ; il n’en restait plus que quatre ou cinq, qui déjà parlaient de se séparer. Non loin d’eux, à une autre table, étaient assis deux dragons, ceux-là mêmes dont par-

  1. Sorte de pain rond de farine d’avoine. a. m.