Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/55

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n’a été plus funeste que cette indulgence perfide. Voyez quel en a été le résultat ! le berger a été frappé et les brebis dispersées sur les montagnes ; une bannière chrétienne a été déployée contre une autre, et un combat a été livré entre les enfants des ténèbres et les enfants de la lumière. — Mon oncle, dit Morton, pense que sous ces ministres tolérés, nous jouissons d’une liberté de conscience raisonnable ; et je dois nécessairement me laisser guider par lui dans le choix du lieu où sa famille rend au Tout-Puissant le culte qui lui est dû. — Votre oncle, dit l’étranger, est un de ces hommes pour qui la moindre brebis du parc de Milnwood serait préférable à tout le troupeau de la chrétienté. Il se serait volontiers prosterné devant le veau d’or de Bethel, et se serait sans aucun doute plongé dans l’eau pour recueillir la poussière de cette idole après qu’elle eut été jetée à la mer. Votre père était un tout autre homme. — Mon père, reprit Morton, était en effet un brave et galant homme ; mais vous savez sans doute qu’il combattit pour cette famille royale au nom de laquelle j’ai porté les armes aujourd’hui même. — Oui ; mais s’il vivait encore, il maudirait l’heure à laquelle il tira l’épée pour leur cause. Nous parlerons de cela plus long-temps un autre jour. Morton, crois-moi, ton heure viendra, et les paroles que tu as entendues s’attacheront à ta mémoire comme des flèches armées de dards. Voici ma route. »

En achevant ces mots il montrait à Morton un sentier conduisant vers des montagnes désertes et désolées qui semblaient s’étendre au loin ; mais comme il était sur le point de tourner la tête de son cheval vers un chemin rude et inégal qui conduisait de la grande route vers ces montagnes, une vieille femme, enveloppée d’un manteau rouge, et qui était assise en travers du chemin, se leva, et s’approchant de lui : « Si vous êtes un des nôtres, » dit-elle d’un ton de voix mystérieux, « gardez-vous bien de vous diriger ce soir vers ce sentier, où vous deviendriez la proie du lion. Le curé de Brotherstane et dix soldats se sont emparés du défilé pour donner la mort à ceux de nos frères errants qui s’exposent dans ce passage afin d’aller rejoindre Hamilton et Dingwall. — Ceux des nôtres que l’on poursuit sont-ils parvenus à se réunir à quelqu’une de nos bandes ? demanda l’étranger. — Ils sont à peu près soixante ou soixante-dix, tant cavaliers que fantassins, dit la vieille femme mais, hélas ! ils sont très-mal armés, et les vivres leur manquent. — Dieu aura pitié de ses enfants, dit l’inconnu. Quel chemin me faut-il prendre pour les retrouver ? — C’est tout