Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/60

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poudre qu’il en faudrait pour tirer la poule sauvage dont nous aurons besoin à la Chandeleur ; que vous vous êtes rendu à l’auberge de Niel avec les paresseux du pays ; que vous vous êtes assis là pour boire aux dépens de votre pauvre oncle, sans doute avec toute la racaille du pays, jusqu’au coucher du soleil ? et à présent vous revenez crier pour avoir de la bière, comme si vous étiez maître et plus que maître ! »

Morton se trouvait fort offensé ; mais comme il avait le plus vif désir de porter des provisions à son hôte, il apaisa son ressentiment, affectant au contraire un certain air de gaieté, il assura mistress Wilson qu’il avait vraiment faim et soif. « À propos du tir au pistolet, mistress Wilson, ajouta-t-il, je sais que vous-même y alliez autrefois, j’ai appris cela. J’aurais bien désiré que vous y eussiez été ce matin pour nous voir. — Ah ! monsieur Henri, dit la vieille dame, n’allez pas commencer à conter fleurette aux femmes. Tant que vous ne vous adresserez qu’aux vieilles comme moi, il n’y aura pas de mal, mais prenez garde aux jeunes filles, mon enfant. Capitaine du Perroquet, vous vous croyez déjà grand garçon ; et en effet (l’examinant avec la chandelle) je ne vois aucun défaut à l’extérieur ; puisse l’intérieur lui ressembler ! Mais je me rappelle que quand j’étais petite fille, je vis un duc, le même qui perdit la tête à Londres : quelques personnes ont même prétendu qu’elle n’était pas très-bonne, mais enfin c’était toujours une perte douloureuse pour lui, le pauvre monsieur ! Eh bien, il abattit le perroquet, car peu de personnes osaient le disputer à Sa Grâce. Ce duc avait une belle prestance, et quand tous les grands montèrent pour déployer leur adresse à faire caracoler leurs chevaux, Sa Grâce était aussi près de moi que je le suis de vous, et il me dit : « Prenez garde, mon cœur (ce furent ses propres paroles), car mon cheval n’est pas très-sûr. Puisque vous venez de me dire que vous avez fort peu bu et mangé, je vous ferai voir que je ne suis point aussi indifférente à votre égard que vous le pensez ; car je ne crois pas qu’il soit prudent pour un jeune homme d’aller au lit l’estomac vide. »

Pour rendre justice à mistress Wilson, disons que ses harangues nocturnes en de telles occasions se terminaient fréquemment par cette sage sentence qui annonçait toujours quelque provision meilleure que de coutume : ce fut précisément ce qui arriva alors. En effet, le principal objet de ses murmures était de montrer son importance et son autorité ; car, au fond, mistress Wilson n’était