Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/62

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gâtés par l’indulgence ou l’indolence de leurs maîtres, ils étaient très-portés à devenir égoïstes et despotes, au point qu’une maîtresse ou un maître aurait presque désiré quelquefois d’échanger leur fidélité intraitable contre la duplicité flatteuse et commode d’un valet moderne.






CHAPITRE VI.

la réception.


Oui, le regard farouche de cet homme est tel que la première feuille d’un livre sombre et tragique ; elle annonce un ouvrage triste, une catastrophe terrible.
Shakspeare.


Se voyant enfin débarrassé de la présence de la femme de charge, Morton rassembla ce qui lui restait des provisions qu’on lui avait servies, et se disposa à les porter à l’hôte qu’il avait secrètement accueilli. Il ne jugea pas utile de se munir de lumière, il avait une parfaite connaissance de la direction qu’il fallait suivre. Il avait été bien inspiré de marcher dans l’ombre ; car il avait à peine franchi le seuil, qu’un bruit sourd et prolongé, produit par des pas de chevaux, annonça que le corps de cavalerie dont un peu auparavant ils avaient entendu les timbales[1], passait alors le long de la grande route qui tournait autour de l’éminence sur laquelle était bâti le château de Milnwood. Morton entendit distinctement la voix de l’officier ordonnant une halte. Il se fit ensuite un moment de silence, qu’interrompaient parfois seulement le hennissement et le trépignement d’un impatient coursier.

« À qui appartient cette maison ? dit une voix avec un ton d’autorité et d’injonction. — À Milnwood, s’il plaît à Votre Honneur, fut la réponse. — Le propriétaire pense-t-il bien ? demanda le premier interrogateur. Il satisfait en tout point aux lois du gouvernement, et a choisi pour ministre un de ceux qu’il tolère, » fut la réplique. — Ah, ah ! oui, toléré ! C’est un vrai masque pour la trahison, très-impolitiquement accordé à ceux qui sont trop pusillanimes pour mettre leurs principes à découvert. Allons, il faut faire une recherche minutieuse jusqu’aux combles de cette maison, et

  1. La musique d’un régiment ne joue jamais la nuit ; mais qui peut nous prouver qu’il n’en était pas autrement sous le règne de Charles II ? Jusqu’à ce que j’aie de plus amples éclaircissements sur ce point, les timbales continueront à s’entre-choquer, comme ajoutant quelque chose à l’effet pittoresque d’une marche nocturne.