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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/82

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veux gris… (Là les exclamations de Mause devinrent extrêmes.) Allons, allons, c’était pour parler seulement ; d’abord vous êtes trop vieille pour vous pavaner sur le haut d’un chariot avec Eppie Dumblane, la femme du caporal. Qu’allons nous devenir ? je ne le sais en vérité. Je vois que nous serons peut-être obligés de nous rendre dans les montagnes avec ces farouches whigs, comme on les appelle, et alors je finirai par être fusillé comme un lièvre sur le bord d’un fossé, ou envoyé au ciel la corde au cou avec saint Johnstone. — mon bon Cuddie ! » dit la zélée Mause, « quitte ce langage charnel et égoïste ; parler ainsi, c’est faire injure à la Providence. Je n’ai pas vu le fils du juste demandant son pain, dit l’Écriture ; et votre père était un homme doux et honnête, quoiqu’un peu mondain dans ses actions et trop occupé des choses terrestres, précisément comme vous, mon enfant. — Eh bien, » dit Guddie après un moment de réflexion, « nous n’avons plus qu’une seule ressource, ma mère ; c’est un charbon froid sur lequel il faut souffler. Vous vous êtes toujours doutée qu’il existait quelque amour entre miss Édith et le jeune M. Henri Morton, qu’on devrait appeler le jeune Milnwood ; vous vous rappelez que j’ai quelquefois porté de l’un à l’autre un petit bout de billet ou une lettre ; je feignais d’ignorer alors tout ce que cela signifiait, quoique je susse à quoi m’en tenir. Il y a quelquefois de l’avantage à paraître un peu bête. Je les ai souvent vus se promener le soir dans le petit sentier sur le bord du ruisseau de Dinglewood mais Cuddie n’en a jamais parlé à qui que ce fût. Je sais bien que ma tête est épaisse ; mais je suis aussi bon que notre vieux bœuf : la pauvre bête ! je ne la ferai plus jamais travailler. J’espère que ceux qui me remplaceront la traiteront aussi bien que je l’ai fait moi-même. Mais, enfin, nous irons à Milnwood, et nous ferons part de notre détresse à M. Henri. Ils ont besoin d’un homme pour la charrue, et leur terre ressemble beaucoup à la nôtre. J’espère que M. Henri s’intéressera à notre sort, parce qu’il a un excellent cœur. Nous aurons fort peu de gages, parce que son oncle, le vieux Nippie Milnwood, tient aussi fermement son argent que s’il était le diable lui-même. Mais nous y gagnerons toujours du pain, de la soupe et un logement ; et c’est tout ce dont nous avons besoin pour le moment. En conséquence, levez-vous, ma mère, et préparez vos hardes pour partir ; car, puisque nous y sommes obligés, je ne serais pas flatté d’attendre que M. Harrison et le vieux Gudyill vinssent nous mettre à la porte. »