Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/147

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CHAPITRE XIII.

le tonnelier.


Faut-il que j’accepte quelque chose de vous ? Il est vrai que je vous ai demandé, et, qui pis est, j’ai dérobé votre présent ; et, ce qui est encore pire, je me suis égaré dans la maison.
Esprit sans argent.


La figure du jeune garçon, seul témoin de l’infraction aux lois de la propriété et de l’hospitalité, aurait fourni le sujet d’un excellent tableau. Il resta immobile, comme s’il eût vu paraître devant lui un de ces spectres dont il avait entendu parler pendant les longues soirées d’hiver. Ne pensant plus à son devoir, il oublia de tourner la broche confiée à ses soins, et ajouta aux infortunes de la soirée, en laissant brûler le mouton, qui bientôt devint aussi noir que du charbon. Il ne sortit de son état de stupéfaction qu’au moyen d’un vigoureux soufflet appliqué par la dame Lightbody[1], qui, de quelque manière qu’elle justifiât son nom, était à coup sûr une femme fortement constituée, et très-habile à se servir de ses mains, comme défunt son mari, disait-on, l’avait éprouvé plus d’une fois.

« Pourquoi laissez-vous brûler le rôti, maudit petit vaurien ? dit-elle. — Je ne sais pas, répondit l’enfant. — Et où donc est ce lourdeau de Gilles ? demanda-t-elle ; — je ne sais pas, » répondit-il en sanglotant, et encore plongé dans le plus grand étonnement.

« Et qu’est devenu M. Balderstone ? et surtout, au nom du conseil et de l’assemblée de l’Église, Dieu me pardonne ! qu’est devenue la broche avec les canards sauvages ? »

Madame Girder, qui entra en ce moment, joignit ses exclamations à celles de sa mère ; et leurs cris assourdissants confondirent tellement le pauvre garçon, que pendant long-temps il ne put raconter l’aventure, et ce ne fut qu’au retour de son compagnon qu’elles commencèrent à se douter de la vérité.

« Eh bien ! dit mistriss Lightbody, qui eût jamais pensé que Caleb Balderstone aurait joué un pareil tour à une ancienne connaissance ? — Oh, que le diable l’emporte ! s’écria l’épouse de Girder ; et quelle raison donnerai-je à mon mari ? Il me tuera, n’y eût-il pas d’autre femme dans tout le village de Wolf’s-Hope. — Tais-toi, imbécile ! répondit la mère. Non, non ; il a été assez

  1. Corps léger, avons-nous dit. a. m.