Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/162

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gent, était forcé de manger son pouding de farine d’avoine sans avoir même un bol de bois ; plus d’une tête haute est descendue bien bas depuis peu de temps. L’État chancelant des hommes d’état écossais, par Scott de Scotstarvet, mémoire curieux dont vous m’avez montré le manuscrit, a été plus d’une fois reconnu vrai de nos jours. »

Le lord Keeper répondit avec un profond soupir que de pareilles mutations n’étaient pas nouvelles en Écosse, et s’étaient vues long-temps avant le livre de l’auteur satirique dont il parlait. « Il y avait bien des années, dit-il, que Fordun avait cité, comme ancien proverbe : Neque dives, neque fortis, sed nec sapiens Scotus, prœdominante invidia, diu durabit in terra[1]. — Et soyez sûr, mon estimable ami, que vos longs services envers l’état et vos profondes connaissances du droit ne vous sauveront pas, et ne garantiront pas votre propriété, si le marquis d’Athol ouvre un parlement tel qu’il le désire. Tous savez que feu lord Ravenswood était son proche parent, car sa femme descendait en cinquième ligne du chevalier de Tillibardine ; et je suis bien certain qu’il embrassera les intérêts du jeune Ravenswood et se montrera à son égard bon seigneur et bon parent. Pourquoi ne le ferait-il pas ? c’est un jeune homme actif, capable de se défendre de la langue et des mains, et tel qu’il faut être pour trouver des amis parmi ses parents. Il n’est pas comme ces Mephiboshet désarmés et sans moyens, qui ne sont qu’un fardeau pour ceux qui s’en chargent ; et si ces procès de Ravenswood arrivent au parlement, vous verrez que le marquis vous donnera du fil à retordre. — Ce serait mal reconnaître mes longs services envers l’état et mon ancien respect pour l’honorable famille et la personne de Sa Seigneurie, » reprit le garde des sceaux.

« Oui ; mais, reprit l’agent du marquis, il est inutile de rechercher des services passés et un ancien respect, milord ; ce sont des services actuels et des preuves immédiates d’égards que, dans ces temps chanceux, il faut à un homme comme le marquis. »

Le garde des sceaux vit toute la portée des arguments de son ami, mais il était trop prudent pour donner une réponse positive.

« Il ne savait pas, dit-il, quel service son seigneur le marquis pouvait attendre de son faible pouvoir, qui était toujours prêt à lui obéir, sauf son devoir envers son roi et son pays. »

De cette manière il ne dit rien, tout en paraissant dire beaucoup ;

  1. L’Écossais qui manquera d’argent, de crédit et de prudence, ne pourra triompher de ses ennemis et ne vivra pas long-temps. a. m.