Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/189

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avec toute la familiarité d’un enfant gâté : « Dites donc, monsieur, s’écria-t-il, voulez-vous me faire le plaisir de me dire… » Mais, dès qu’Edgar eut retourné la tête et que Henri eut aperçu son visage, il fut tout d’un coup déconcerté ; il fit deux ou trois pas en arrière et fixait toujours le Maître avec un air de crainte et d’étonnement qui avait banni de ses traits l’expression de leur impertinente vivacité.

« Tenez à moi, jeune homme, lui dit Edgar, et je vous apprendrai tout ce que je sais sur la chasse. »

« Allez près de monsieur, Henri, lui dit son père, vous n’avez pas l’habitude d’être si timide. »

Mais ni l’invitation ni l’exhortation ne firent d’effet sur le fils du lord garde des sceaux ; au contraire, il se détourna dès qu’il eut achevé d’examiner le Maître, et, marchant avec autant de précaution que s’il eût marché sur des œufs, il se glissa près de son père et se serra contre lui. Raverswood, pour éviter d’entendre la dispute entre le père et l’enfant gâté, jugea plus poli de se détourner vers les tableaux, sans faire attention à ce qu’ils disaient.

« Pourquoi ne parlez-vous pas au Maître, petit sot ? dit le lord garde des sceaux. — J’ai peur, dit Henri à voix basse. — Vous avez peur ! » lui dit son père en le secouant par le collet de son habit, « et de quoi avez-vous peur ? — Pourquoi donc ressemble-t-il tant au portrait de sir Malise Ravenswood ? dit le jeune garçon à voix basse. — Quel portrait, sot original ? dit son père ; je vous ai toujours connu étourdi, mais je crois que vous devenez idiot. — Je vous dis qu’il est tout le portrait du vieux Malise de Ravenswood. On serait tenté de croire qu’il sort de ce tableau qui est dans la salle où les filles étendent le linge : mais le portrait a une armure et non pas un habit comme ce gentilhomme ; lui, il n’a pas une barbe et des favoris comme le portrait, et ce dernier a une autre espèce de chose autour du cou ; puis il n’a pas de moustaches comme celui-ci, et… — Et pourquoi ce gentilhomme ne ressemblerait-il pas à son aïeul ? dit sir William. — Oui, mais s’il est venu pour nous chasser tous du château, dit le jeune garçon, et s’il a vingt hommes derrière lui, et s’il vient pour nous dire d’une voix creuse : Voici le moment ; et s’il vous tue, comme Malise a tué l’autre homme, dont on voit encore le sang ? — Paix ! sottise que tout cela ! » dit le seigneur, qui n’était pas trop satisfait de s’entendre raconter ces circonstances défavorables. « M. Edgar, voici