Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/192

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avancé plus loin qu’il ne l’aurait voulu, et sa conscience lui avait reproché son peu de sagesse, dès qu’il s’était trouvé sur le point de parler d’amour à la fille de sir William Ashton.

Ils approchaient de la cabane de la vieille Alix : arrangée plus commodément, cette cabane était moins pittoresque, il est vrai, mais plus propre. Assise sur son banc accoutumé, sous le bouleau, la vieille femme jouissait, avec la nonchalance de l’âge et de l’infirmité, des rayons d’un soleil d’automne. À l’arrivée de ses visiteurs, elle tourna la tête de leur côté. « J’entends votre pas, miss Ashton, dit-elle ; mais ce n’est pas le lord votre père qui vous accompagne. — Qui vous le fait penser, Alix ? et comment est-il possible que vous jugiez aussi exactement, au seul bruit des pas sur cette terre ferme et en plein air ? — L’ouïe, mon enfant, a acquis plus de finesse par suite de mon infirmité, et je puis juger maintenant des moindres sons qui autrefois frappaient mon oreille sans que je les remarquasse plus que vous ne le faites. La nécessité est un guide sévère, mais excellent, et celle qui a perdu la vue est obligée de recueillir ses connaissances par une autre voie. — Eh bien ! il est vrai que vous entendez le pas d’un homme ; mais pourquoi, Alix, croyez-vous que ce n’est pas celui de mon père ? — Le pas de la vieillesse, mon enfant, est timide et prudent, le pied quitte la terre lentement et ne s’y pose qu’en hésitant. Si je pouvais croire à une pensée aussi étrange, je dirais que c’était le pas d’un Ravenswood. — Voici réellement, dit Ravenswood, une perspicacité d’organe à laquelle je n’aurais pas cru, si je n’en étais témoin. Je suis effectivement le Maître de Ravenswood, Alix, le fils de votre vieux maître. — Vous ! reprit la vieille femme en jetant presque un cri de surprise ; vous, le Maître de Ravenswood, ici, dans ce lieu, et en pareille société ? je ne puis le croire ! Laissez-moi passer ma main sur votre visage, afin que le toucher me confirme ce que me disent mes oreilles. »

Edgard s’assit à côté d’elle sur le banc de terre, et lui permit de passer sa main tremblante sur ses traits.

« C’est la vérité, dit-elle ; ce sont les traits et la voix des Ravenswood, les traits prononcés de la fierté et le ton impérieux de la hardiesse ! Mais que faites-vous ici, Maître de Ravenswood ? que faites-vous sur le domaine de votre ennemi et dans la compagnie de sa fille ? »

Tandis que la vieille Alix parlait, son visage s’était enflammé, comme l’aurait été celui d’un ancien et fidèle vassal devant lequel