Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/216

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moi et beaucoup pour vous. Le premier venu porterait les papiers. Mais vous aurez un peu plus à faire : il faut tâcher de dire ? devant lady Ashton, avec un air indifférent, un mot du séjour de Ravenswood chez son mari, et de ses tête-à-tête avec miss Ashton, et ajouter qu’on parle dans le pays d’une visite du marquis d’Athol, et qu’on pense que c’est pour conclure le mariage entre Ravenswood et Lucy. Je voudrais savoir ce qu’elle dira de tout cela ; car je n’aurais nulle envie d’entrer en lutte, si je pensais que Ravenswood dût remporter le prix à la course : il a déjà de l’avance sur moi. — De l’avance ! la fille a trop de bon sens, pour cela… Dans cette assurance, je bois une troisième fois à sa santé, ce que je voudrais être à même de faire à genoux : et celui qui ne me rendrait pas raison, je lui arracherais ses boyaux pour lui en faire une paire de jarretières. — Écoutez-moi, Craigengelt : vous allez paraître devant des femmes de haut rang, et je vous prie d’oublier vos jurements de goujat. Je leur écrirai que vous êtes un homme de guerre, et que votre éducation a été négligée. — Oui, oui, reprit Craigengelt, un franc soldat, brusque mais honnête, et intègre. — Ni trop honnête ni trop franc ; enfin, tel que tu es… Mon sort veut que j’aie besoin de toi, car il faut employer l’éperon pour mettre lady Ashton en marche. — Je la mènerai grand train, dit Craigengelt ; elle arrivera ici au galop comme une vache poursuivie par un essaim de guêpes, sa queue tortillée sur les reins en forme de tire-bouchon. — Écoute, Craigie, dit Bucklaw ; tes bottes et ton habit sont assez propres pour boire, mais un peu trop sales pour prendre le thé : fais-moi le plaisir de mieux t’équiper, voilà de quoi payer les frais. — Non, Bucklaw, sur mon âme ; mon ami, vous me traitez mal. Cependant, » ajouta Craigengelt en empochant l’argent, « puisque vous voulez que je contracte une dette envers vous, il faut bien que je m’y résigne. — Allons ! à cheval, et partez dès que vous aurez mis votre livrée en état. Prenez mon cheval aux oreilles noires, je vous en fais présent. — Je bois au succès de ma mission, » reprit l’ambassadeur, en vidant un verre qui contenait une demi-pinte.

« Je vous remercie, Craigie, et je vous en fais raison. Je ne vois d’autre obstacle que le père et la fille, et l’on dit que la mère les fait tourner autour de son petit doigt. Tâchez de ne pas l’offenser avec votre jargon de jacobite. — Diable ! il ne faut pas l’oublier : la dame est whig et amie de la vieille duchesse de Marlborough. Grâce à mon étoile, je sais arborer tous les pavil-