Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/244

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pour-boire, et enfin l’eau-de-vie et l’ale pour les libations funéraires. Je ne crois pas que vous puissiez la faire enterrer décemment, comme l’on dit, à moins de seize livres d’Écosse[1]. — Les voici, et même quelque chose en sus ; faites en sorte que les choses soient faites convenablement. — Vous êtes sans doute un de ses parents anglais ? J’ai ouï dire qu’elle s’était mariée au-dessous de sa condition. C’était bien agir que de lui laisser ronger son frein pendant sa vie, et c’est bien agir aussi que de la faire enterrer décemment après sa mort ; car c’est un honneur pour vous plutôt que pour elle. On peut laisser ses parents se tirer d’affaire comme ils l’entendent, tant qu’ils sont vivants et qu’ils peuvent porter le poids de leur misère ; mais il n’est pas bien du tout de souffrir qu’ils soient enterrés comme des chiens, lorsque tout le déshonneur en rejaillit sur la famille. Quant au défunt, qu’est-ce que cela lui fait ? — Vous ne voudriez pas non plus que l’on négligeât ses parents lorsqu’il est question de noces ? » dit Ravenswood, qu’amusaient les dissertations philanthropiques de l’intéressé fossoyeur.

Le vieillard leva ses yeux gris encore pleins de vivacité, et sourit d’un air malin qui faisait voir qu’il comprenait la plaisanterie ; puis il continua avec la même gravité : « Les noces ! comment négliger les noces, quand on s’intéresse le moins du monde à la population ? Oui, sans doute, on doit les célébrer par des festins où l’on réunit ses amis, par les instruments de musique, tels que la harpe, la trompette et le psaltérion ; ou bien un bon violon et une cornemuse, lorsqu’on a de la peine à se procurer ces instruments antiques. — Et la présence du violon, je pense, répliqua Ravenswood, compenserait l’absence de tous les autres.

Le fossoyeur le regarda de nouveau d’un air malin : « Sans doute, sans doute, répondit-il ; si l’on en jouait bien. Mais voilà là-bas, » ajouta-t-il comme pour changer de discours, « la dernière demeure d’Hobby Gray, dont vous parliez, justement le troisième tertre au-delà de cette grande pierre sépulcrale qui s’élève sur la tombe de quelqu’un des Ravenswood, car il y en a plusieurs ici, ainsi que de leurs domestiques (que le diable les emporte !), bien que ce ne soit pas le lieu ordinaire de leur sépulture. — Vous ne les aimez donc pas, ces Ravenswood ? » dit Edgar, peu satisfait de cette bénédiction donnée en passant à sa famille et à son nom.

  1. Une livre d’Écosse vaut deux francs de notre monnaie.