Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/311

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terrompant, « n’a pas dessein de contester l’identité de votre personne ; l’amertume de vos paroles suffit pour lui rappeler qu’elle entend parler le plus mortel ennemi de son père. — Je vous prie, madame, d’avoir un peu de patience : c’est à miss Lucy que je parle, c’est d’elle que j’attends une réponse… Encore une fois, miss Lucy Ashton, je suis ce Ravenswood avec qui vous avez pris cet engagement solennel que vous désirez maintenant rétracter et annuler. »

Les lèvres décolorées de Lucy ne purent que balbutier : » C’est ma mère… — C’est la vérité, interrompit lady Ashton ; c’est moi qui, m’y trouvant autorisée par les lois divines et humaines, lui ai conseillé, lui ai fait prendre la résolution de renoncer à un engagement aussi malheureux qu’inconsidéré, à un engagement annulé par l’autorité de l’Écriture elle-même. — De l’Écriture ! » répéta Ravenswood d’un ton de mépris.

« Monsieur Bide-the-Rent, dit lady Ashton, citez-lui le texte d’après lequel vous avez vous-même déclaré la nullité de l’engagement dont cet homme emporté veut soutenir la validité. »

L’ecclésiastique tira de sa poche une Bible, dans laquelle il lut le passage suivant : « Si une femme fait un vœu à la face de l’Éternel, et se lie par serment lorsqu’elle habite encore la maison de son père, si c’est une jeune fille, et que le père, ayant connu le vœu qu’elle a fait et le serment par lequel elle s’est engagée, ne s’y montre pas contraire, sa promesse ou son vœu seront obligatoires pour elle. — Eh bien ! n’est-ce pas précisément notre position ? » demanda Ravenswood en interrompant le ministre.

« Modérez-vous, jeune homme, reprit l’ecclésiastique, et écoutez ce que le texte sacré dit ensuite : » Mais si le père s’est opposé à son vœu le jour même qu’il lui a été connu, ses vœux et ses serments seront nuls, et l’Éternel lui pardonnera ; car son père s’y est opposé. » — Eh bien ! » s’écria lady Ashton d’un air de fierté et de triomphe, « n’est-ce pas là notre position ? diffère-t-elle en rien de ce que dit le livre sacré ? Cet homme niera-t-il que, dès l’instant que le père et la mère de miss Ashton eurent connaissance du vœu ou de la promesse qui liait l’âme de leur fille, ils exprimèrent leur désapprobation dans les termes les plus formels, et l’informèrent, lui, par écrit, de leur détermination ? — Est-ce là tout ? » dit Ravenswood. Puis, s’adressant à Lucy : « Et vous êtes disposée, dit-il, à renoncer à la foi jurée, à l’exercice de votre libre volonté, à vos sentiments d’affection, pour les misérables