Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/373

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Lorsque les voyageurs eurent été introduits dans la cour, ils virent encore d’autres préparatifs de défense. Les murs étaient garnis d’échafauds qu’on avait dressés pour l’usage des armes à feu ; un ou deux petits canons appelés sackers[1] et fauconneaux étaient montés sur les tourelles qui flanquaient les angles du château.

Plusieurs domestiques, les uns dans le costume des Highlands, les autres dans celui des Lowlands, sortirent à l’instant de l’intérieur de la maison, et plusieurs d’entre eux se hâtèrent de prendre les chevaux, tandis que d’autres attendaient pour introduire les étrangers. Mais le capitaine Dalgetty refusa les services de celui qui voulut prendre soin de son cheval. « C’est mon habitude, mes amis, de voir Gustave (car j’ai donné à mon cheval le nom de mon invincible maître) soigné par moi-même ; nous sommes de vieux amis, des camarades de voyage, et comme j’ai souvent besoin de l’usage de ses jambes, je lui prête toujours le service de ma langue pour demander tout ce dont il a besoin. » Et sans une plus grande apologie, il suivit son coursier dans l’écurie.

Ni lord Menteith ni ses domestiques n’eurent la même attention pour leurs chevaux ; mais, les abandonnant aux soins des serviteurs du château, ils entrèrent dans la maison. Là, sous un vestibule voûté et obscur, parmi différents objets, on voyait un énorme baril d’ale légère devant lequel étaient rangées deux ou trois queichs ou coupes de bois placées, à ce qu’il paraissait, pour tous ceux qui voudraient s’en servir. Lord Menteith en appliqua lui-même une au robinet, et but sans cérémonie ; puis il tendit la coupe à Anderson, qui suivit l’exemple de son maître, mais non sans avoir auparavant rejeté les gouttes d’ale qui restaient dans la coupe et sans l’avoir légèrement rincée. — Que diable ! dit un Highlander, un domestique ne peut-elle[2] boire après son maître sans laver la coupe et répandre l’ale ! Que le diable l’emporte ! — J’ai été élevé en France, dit Anderson, où l’on ne boit jamais d ans la même coupe après personne, si ce n’est après une jeune femme. — Au diable leur délicatesse, dit Donald, et si l’ale est bonne, qu’importe que la barbe d’un autre homme ait trempé dans la coupe avant la vôtre ? »

Le compagnon d’Anderson but sans faire la cérémonie qui avait tant offensé Donald, et tous les deux suivirent leur maître dans

  1. Sackers, petits canons montés sur un pivot, et pouvant se diriger en tous sens. a. m.
  2. Les Highlanders se servent toujours du masculin au lieu du féminin et vice versâ. a. m.