Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/40

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de lettres, de pétitions et de parchemins, dont l’examen faisait tout à la fois le charme et le tourment de la vie de sir William Ashton. Il avait l’air grave et même noble, tel que devait le paraître celui d’un homme qui occupait un poste élevé dans l’état. Mais ce n’était qu’après avoir eu pendant long-temps des rapports intimes avec lui sur des objets d’un intérêt pressant et personnel, qu’un étranger pouvait découvrir qu’il était vacillant et peu stable dans ses résolutions. Cette faiblesse de caractère provenait d’un excès de prudence et de timidité. Néanmoins, connaissant jusqu’à quel point elle influait sur son esprit, il cherchait par tous les moyens possibles, et autant par orgueil que par politique, à la dérober aux regards des autres.

Il écouta avec l’air du plus grand sang-froid le récit exagéré du tumulte qui avait eu lieu aux funérailles, du mépris que l’on avait montré de son autorité et de celle de l’Église et de l’État ; il ne parut même pas ému en entendant le rapport fidèle des expressions injurieuses et menaçantes dont s’étaient servis le jeune Ravenswood et quelques autres, et qui étaient évidemment dirigées contre lui. Il écouta aussi tranquillement ce qu’avait pu recueillir cet officier, qui dénaturait les faits et aggravait les circonstances relatives aux toasts portés et aux menaces proférées pendant le repas qui avait suivi les funérailles. Néanmoins il prit une note exacte de tous les détails, écrivit les noms des personnes qui, au besoin, pourraient être appelées pour attester la vérité d’une accusation fondée sur des procédés aussi violents, puis il renvoya le délateur, bien sûr qu’il était dès lors maître du reste de la fortune du jeune Ravenswood, et même de sa liberté personnelle.

Lorsque la porte fut refermée, le lord garde des sceaux resta un moment plongé dans une profonde méditation ; puis, se levant tout à coup, il se mit à marcher à grands pas dans l’appartement, comme un homme qui est sur le point de prendre une résolution soudaine et importante. « Le jeune Ravenswood, murmura-t-il tout bas, est maintenant à moi ; il est ma propriété ; il s’est placé sous ma main, et il pliera, ou rompra. Je n’ai pas oublié l’opiniâtreté soutenue, et même brutale, avec laquelle son père m’a contesté chaque point, depuis le premier jusqu’au dernier, a résisté à toutes les tentatives que j’ai faites pour en venir à un compromis, et a cherché à ternir ma réputation lorsqu’il a vu qu’il ne pouvait me disputer mes droits. Cet enfant qu’il a laissé après lui, cet Edgar, cette tête chaude, cet écervelé, a fait naufrage avant