Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/505

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presque de la témérité de cette entreprise, lorsque, parvenu au sommet d’un de ces rochers gigantesques, il vit combien était faible sa petite armée, alors dispersée çà et là. La difficulté de pénétrer dans ces montagnes était telle qu’il s’établissait des vides considérables dans les rangs, et l’espace qui séparait l’avant-garde du centre et le centre de l’arrière-garde s’agrandissait à chaque instant d’une manière qui devenait inquiétante et qui pouvait même être dangereuse.

C’était avec une sorte de terreur que Montrose remarquait toutes les positions avantageuses que ces montagnes offraient, et il frémissait en songeant au péril auquel il serait exposé en ce moment, s’il les trouvait occupées par un ennemi préparé à la défense ; depuis on l’entendit souvent répéter que si les défilés de Strath-Fillan eussent été défendus par deux cents hommes déterminés, non-seulement il eût été arrêté dans sa marche, mais encore toute son armée eût été taillée en pièces. La sécurité, sécurité funeste qui causa la ruine de tant de pays et de tant de forteresses, livra en cette occasion le comté d’Argyle à ses ennemis. Ceux-ci n’eurent à lutter que contre les difficultés naturelles du terrain et contre la neige, qui heureusement n’était pas tombée en très-grande quantité. À peine l’armée eut-elle atteint le sommet des montagnes qui séparent le comté d’Argyle du district de Breadalbane, qu’elle se précipita sur les vallées situées au-dessous, et s’y répandit avec une sorte de fureur qui exprimait bien les motifs qui avaient dicté une entreprise aussi difficile et aussi périlleuse.

Montrose divisa son armée en trois corps, afin de se montrer plus formidable. L’un était commandé par le chef du clan Ranald, l’autre par Colkitto, et le troisième par lui-même. De cette manière, il put pénétrer par trois endroits différents dans le comté d’Argyle. Nulle part on n’opposa de résistance. L’effroi des bergers qui fuyaient de leurs montagnes avait été le premier signal de cette irruption formidable ; et partout où les habitants essayèrent de prendre les armes, ils furent désarmés, dispersés ou tués par un ennemi qui semblait avoir prévu tous leurs mouvements.

Le major Dalgetty, qui avait été envoyé en avant contre Inverary avec le peu de cavalerie qui se trouvait dans l’armée, prit si bien ses mesures qu’il faillit surprendre Argyle, comme il le dit lui-même, inter pocula[1] ; et ce ne fut qu’en se jetant à la hâte dans

  1. Entre les coupes. a. m.