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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/51

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lement de ce beau paysage, pour se perdre parmi les rochers entrecoupés de quelques touffes d’arbres, et conduire dans des retraites encore plus solitaires.

Ce fut en s’arrêtant pour admirer un de ces magnifiques points de vue que Lucy dit à son père qu’ils étaient tout près de la cabane de l’aveugle sa protégée ; et, au détour d’une petite colline, un sentier qui la côtoyait, et pour ainsi dire usé par la marche journalière de l’infirme habitante, les conduisit en face de la chaumière, construite dans une vallée profonde et privée de jour ; ce qui établissait une sorte de rapport avec l’état de cécité de celle qui y résidait.

La chaumière était située au-dessous d’un rocher élevé, dont le sommet faisant saillie semblait menacer d’écraser par la chute de quelque fragment le frêle bâtiment qu’il couvrait. Elle était construite d’un mélange de tourbes et de pierres, et grossièrement couverte de chaume, dont une partie était déjà en état de dégradation. Une fumée bleuâtre s’élevait en colonne légère et formait des tourbillons le long de la face blanche du rocher contre lequel la cabane était adossée, ajoutant à la scène une teinte d’une délicieuse douceur. Dans un petit jardin assez mal cultivé, et entouré de quelques touffes de sureau qui ne formaient qu’une haie fort imparfaite, on voyait la vieille femme chez qui Lucy avait amené son père, assise près des ruches dont le produit servait à lui procurer sa modique subsistance.

Quelques revers qu’elle eût éprouvés dans sa fortune, quelque misérable que fût sa demeure, il était facile de juger, au premier coup d’œil, que ni les années, ni la pauvreté, ni le malheur, ni la misère, ni les infirmités n’avaient abattu l’âme de cette femme pleine de courage.

Elle était assise sur un banc de gazon placé sous un bouleau d’une grandeur et d’une vétusté extraordinaires, comme on représente Juda assise sous un palmier, avec un air qui exprimait à la fois la majesté et la tristesse. Sa taille était haute, imposante et courbée par les infirmités de la vieillesse. Ses vêtements étaient ceux d’une paysanne, mais d’une propreté remarquable, formant sous ce rapport un singulier contraste avec les personnes de la même classe, et arrangés avec une sorte de goût et d’élégance peu ordinaires. Mais c’était surtout l’expression de sa physionomie qui frappait l’œil de l’observateur, et portait les personnes qui venaient la voir à lui parler avec une déférence et une civilité