Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/532

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ma chère Annette, quittez ce théâtre de terreur et de danger ; suivez-moi dans le Kintail ; je vous placerai sous la protection de la noble lady Seaforth, ou bien je vous conduirai en sûreté à Icolmkill, où les femmes se dévouent au culte de Dieu, selon l’usage de nos ancêtres. — Vous ne songez pas sans doute à ce que vous me proposez, répondit Annette ; entreprendre un pareil voyage sous votre seul protection serait prouver que je suis beaucoup moins jalouse de ma réputation qu’une jeune fille ne doit l’être. Je resterai ici, Allan, sous la sauvegarde du noble Montrose ; et quand son armée s’approchera des basses terres, je saurai trouver quelque moyen convenable de vous débarrasser d’un être qui, je ne sais pourquoi, est devenu pour vous un objet désagréable. »

Allan restait immobile comme s’il balançait entre le désir de lui laisser voir combien son âme sympathisait avec ses chagrins, et celui de se livrer à la colère que lui inspirait sa résistance.

« Annette, lui dit-il enfin, vous savez combien peu vos paroles sont en harmonie avec les sentiments que je professe pour vous ; mais vous usez ici de votre pouvoir sur moi, et vous vous réjouissez de mon départ, parce qu’il éloigne de vous un être qui, par sa surveillance continuelle, gênait vos relations avec Menteith. Mais prenez bien garde tous deux ! » ajouta-t-il d’un air sombre et farouche, « et souvenez-vous que jamais on n’a fait une injure à Allan Mac-Aulay sans qu’il en ait tiré dix fois vengeance ! »

À ces mots, il lui serra le bras avec violence, enfonça sa toque sur son front, et sortit de l’appartement.





CHAPITRE XXI.

la reconnaissance.


Après votre départ, j’ai interrogé mon cœur, j’ai cherché ce qui l’agitait ainsi. Hélas ! j’y ai trouvé l’amour, mais un amour innocent ; car, n’eussé-je dû vivre qu’auprès de vous, il aurait été le but constant de mes pensées.
Philaster.


Annette Lyle avait alors à contempler le gouffre épouvantable que l’amour et la jalousie d’Allan venaient d’entr’ouvrir sous ses pas. Il lui semblait qu’elle chancelait sur le bord d’un abîme où elle devait s’engloutir, et qu’elle avait perdu tout refuge, tout secours humain. Elle sentait depuis long-temps que Menteith lui était plus cher qu’un frère : et pouvait il en être autrement ? C’était Menteith qui l’avait sauvée au moment où Allan avait le bras levé