Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/542

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le fond des déserts, sur le sommet des montagnes et au milieu de leurs brouillards, Kenneth, conserve pure et intacte la liberté que je te lègue comme un droit de ta naissance. Ne l’échange ni contre de riches vêtements, ni contre un palais, ni contre une table richement servie, ni contre un lit de duvet. Sur le rocher ou dans la vallée, dans l’abondance ou dans la misère, sous les ombrages de l’été ou sous les glaces de l’hiver, Fils du Brouillard, reste libre comme tes pères ! Ne reconnais aucun maître, ne reçois la loi de personne, ne vends pas tes services ; ne bâtis point de hutte, ne fais de clôture à aucun pâturage, n’ensemence aucune terre : que les daims des montagnes soient seuls tes troupeaux ; s’ils viennent à te manquer, que les biens de nos oppresseurs deviennent ta proie : les Saxons et les Gaëls, qui sont eux-mêmes Saxons dans l’âme, estiment plus leurs bestiaux que l’honneur et la liberté ; mais nous devons nous en féliciter, ils ouvrent ainsi un champ plus vaste à notre vengeance. Souviens-toi de ceux qui ont fait du bien à notre race, et paie leurs services de tout ton sang si l’occasion s’en présente. Si un Mac-Ian s’avance vers toi, la tête du fils du roi à la main, donne-lui une retraite, quand même une armée et la vengeance royale seraient à sa poursuite, car nous avons vécu paisiblement avec eux dans Glencoe et Ardnamurchan pendant de longues années. Quant aux fils de Diarmid, à la race de Darnlinvarach, aux cavaliers de Menteith, que la malédiction d’un père tombe sur ta tête, Enfant du Brouillard, si tu en épargnes un seul, lorsque le moment de les immoler sera venu ! et ce temps approche : ils s’entr’égorgeront ; ils seront dispersés à leur tour, ils fuiront vers le séjour du Brouillard, et ils tomberont sous les coups de ses enfants. Encore une fois, pars ; secoue la poussière de tes pieds contre les habitations des hommes, qu’ils soient en paix ou en guerre. Adieu, mon fils chéri ! puisses-tu mourir comme tes aïeux, avant que les infirmités, les maladies, l’âge enfin, aient éteint ta vigueur et anéanti tes facultés ! Adieu ! pars ! pars ! mais souviens-toi de conserver ta liberté, d’être fidèle à la reconnaissance, et implacable dans la vengeance des injures faites à ta race ! »

Le jeune sauvage s’inclina, et baisa le front de son père mourant ; mais, habitué dès l’enfance à réprimer tout signe extérieur d’émotion, il se sépara de lui sans verser une larme, sans proférer même le mot d’adieu, et bientôt il fut hors de l’enceinte du camp