Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/93

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l’eau aussi bonne que celle du puits de la tour, et c’est ce que je vous garantis, monsieur Bucklaw. — Mais si votre ale est mauvaise, vous pouvez nous donner du vin, » dit Bucklaw en faisant la grimace au seul nom du pur élément dont Caleb lui faisait un si pompeux éloge.

« Du vin ? répondit l’intrépide Caleb. Oh ! pour du vin, il y en a assez. Il n’y a que deux jours… Je pleure lorsque pense à la cause… Il s’est bu dans cette maison plus de vin qu’il n’en faudrait pour mettre une chaloupe à flot. Nous n’avons jamais manqué de vin à Wolf’s-Crag. — Allez-en donc chercher, lui dit son maître, au lieu de vous amuser à en parler, » et Caleb sortit d’un air décidé.

Tous les tonneaux vidés au banquet, et qui étaient dans la vieille cave, furent soulevés et secoués, dans l’attente désespérée de trouver assez de lie de vin de Bordeaux pour remplir un grand pot d’étain qu’il tenait à la main. Hélas ! ils avaient été vidés avec trop d’ardeur ; et il eut beau faire toutes les manœuvres que son expérience, comme sommelier, lui suggéra, il ne put en recueillir qu’environ une pinte ou une demi-bouteille qui fût présentable. Mais Caleb était trop bon général pour abandonner le champ de bataille sans un stratagème pour couvrir sa retraite. Il jeta effrontément à terre un flacon vide, comme s’il eût trébuché en entrant dans la chambre, appela Mysie pour venir essuyer le vin qui n’avait jamais été répandu, et plaçant l’autre flacon sur la table, il exprima l’espoir qu’il en restait encore assez pour Leurs Honneurs. Il en restait assez en effet, car Bucklaw lui-même, ami juré du jus de la grappe, ne se sentit pas le courage de renouveler sa première attaque sur le vin de Wolf’s-Crag, et se contenta, quoique bien malgré lui, d’un verre d’eau pure. On fit alors des arrangements pour qu’il passât la nuit, et comme la chambre secrète fut choisie, Caleb se trouva muni d’une excellente et très-plausible excuse pour le manque de meubles, de linge, etc.

« Car, dit-il, qui aurait pu penser qu’on aurait besoin de la chambre secrète ? On n’en a pas fait usage depuis l’époque de la conspiration de Gowrie, et je n’ai jamais osé en faire connaître l’entrée à une femme, autrement Votre Honneur conviendra que ce n’aurait pas été long-temps une chambre secrète. »